Alors que je vais retrouver mes amis dimanche et que nous allons courir dans la boue, sous la pluie le cross championnat d'Ille et Vilaine, je viens de retrouver un texte que je m'étais écrit au retour du marathon de Berlin et finalement, je vous le recopie sur ce blog.
Voyage, découvrir, se redécouvrir
Pour mes amis, cela a été l’occasion de courir un marathon célèbre, pas n’importe lequel, celui où il y a un an, en septembre 2007 l’admirable Haïlé Gebressélassié a établi le record du monde en 2h04’26.
Berlin est accessible, il suffit de s’y prendre suffisamment à l’avance et cliquer au bon endroit, donner son numéro de carte de paiement et voilà un dossard réservé, garanti. Du fait de nos inscriptions en mars, cela nous a coûté quand même cinquante cinq euros auxquels il fallait ajouter six euros de location de puce.
En faisant un footing l’autre jour j’ai rencontré une marathonienne qui me disait que le dossard pour NY était au moins quatre fois plus cher. Pour Berlin contrairement à NY, nul besoin de passer par un tour opérateur, comme ça, chacun peut choisir à sa convenance sa façon d’y aller, d’y dormir, d’y courir, d’y manger, d’y rire, d’y pleurer et ensuite de se souvenir.
Francki, Laurent et Fabrice sont partis de leur côté en camping-car, en partant de Bretagne le jeudi soir 18h , ils sont arrivés à 11h le vendredi, ils ont pu aller faire un footing de décrassage. Ils ont séjourné au nord de Berlin à vingt minutes en métro de la station Friedrichstrasse qui est la plus proche du départ du marathon.
De mon côté, le voyage a été plus varié en terme de moyens de transport, avec Jilali et Alain, nous avons pris la voiture pour faire Rennes-Roissy-Charles De Gaulle avec une halte à Rueil chez JeanGab qui au début du projet devait venir avec nous. Nous avons pris l’avion dans lequel il y avait pas mal de marathoniens pour atterrir à Tegel, juste à côté de nos camping-caristes.
Certes Berlin est loin de la Bretagne, environ 1500 kilomètres mais Berlin est accessible. Pour l’hébergement, nous étions dans un hôtel avec des tarifs qui sont plus de deux fois inférieurs à ceux de Paris ou Barcelone, que dire du caractère prohibitif de NY ou de Londres.
Un marathon est quelquefois un but, ce peut être la concrétisation d’un projet, mieux, d’un rêve.
Un marathon à l’étranger est bien différent.
Un premier marathon qu’il soit à côté de la maison ou à l’autre bout du monde est de toutes façons magique.
C’est à la fois une aventure, une découverte qu’on se promet, un mythe, un rêve, la quête d’un inaccessible, cela revêt toutes sortes d’attentes. C’est une vie différente qui est en vue, il y a l’avant et il y aura l’après marathon. Il y aura la fierté de l’avoir fait, d’avoir suivi les traces de grands champions olympiques. Il y aura le sentiment d’appartenir à un club « fermé ».
Mon premier marathon a été le marathon de Paris, je me rappelle avoir pleuré de bonheur au passage de la ligne avenue Foch. Quand j’y pense, je me retiens.
Mon premier marathon à l’étranger a été à Rotterdam, c’était un parcours à chrono, il avait été dans le passé le lieu d’un record du monde. Le profil ne comporte qu’une bosse qui correspond à un très grand pont à passer deux fois. Il faisait beau, le départ avait lieu à midi, dans le sas je pleurais de bonheur de courir encore une fois un marathon, je connaissais et savourais ma chance, celle de pouvoir courir et avoir le plaisir de courir.
Le voyage de Rennes à Rotterdam avait été fait par la route dans un « neuf places » peu confortable mais les moments partagés sur la route, puis en Hollande, à Amsterdam puis à Rotterdam restent gravés comme des moments de complicité avec des amis de Courir à St Grégoire. Accessoirement, j’avais battu mon record sur la distance mais je n’avais pas beaucoup aimé le parcours, le peu de spectateurs au moment où les forces vous quittent m’avaient déçu. c'est dans un parc un peu comme le bois de boulogne où il y a vraiment très peu de public.
Plusieurs années après, je constate que je ne suis pas sorti beaucoup de l’hexagone, Vienne et Montréal seulement ont été mes pélerinages dans des « temples » marathon. J'ai même abandonné à Barcelone au treizième tellement cela me faisait ch... dès le coup de pistolet.
Comment faire un récit du marathon de Berlin alors que ça n’a pas été pour moi ne serait-ce que sympathique, alors que cela fait déjà deux semaines que je suis revenu ?
Il est vrai que beaucoup de mes amis et de mes lecteurs attendent ce récit, peu m’écrivent sur le blog alors que pas mal me font des remarques soit dans une conversation en vrai entre quatre yeux, par téléphone ou via un courriel.
N’importe quel coureur dirait qu’il y avait un public enthousiaste qui encourageait qui criait qui faisait tourner des crécelles.
Il y avait très fréquemment des orchestres jouant des morceaux rythmés et entraînant.
Il y avait beaucoup de coureurs et dans mon tempo énormément de femmes voire des jeunes filles.
Le soleil était au rendez vous, le vent inexistant, la température idéale.
Tout était bien.
Bien pour Haïlé qui encore une fois a fait un superbe chrono, il a battu son record du monde, il a réalisé 2h03’59. C’est phénoménal et pourtant, il est à parier qu’en septembre 2009, le tout récent champion olympique Samuel Wanjiru va venir et effacer cette marque.
Du strict point de vue matériel, ma médaille est déjà « obsolète » elle mentionne le record du monde 2007.
Sincèrement, tout cela concerne, le marathon en général, les performances mondiales mais cela n’a rien avoir avec moi; ni moi, ni mes amis que j’entraine.
Sur ce coup, les gars que j’avais « préparés » étaient laurent, karim, alain et fabrice.
Laurent, je ne le coache que depuis 5 mois, Karim depuis 3 ans, alain depuis 4 ans et fabrice 2 mois.
Jilali que j’entraine depuis 6 ans n’a pas pu faire de préparation car cet été sa santé ne lui permettait pas.
Si je fais un bilan :
Charlie (oui c’est moi) n’a pas suivi de plan de préparation spécifique, il a bricolé parce que d’une part il n’a pas d’entraineur et d’autre part il était encore handicapé par sa cheville droite cet été. Il a fait quelques séances avec les copains qui préparaient La Baule (une semaine après) et le résultat brut, le gars a fait une énième fois juste autour de 4 heures. C’est loin d’être un chrono satisfaisant pour un compétiteur mais cela reflète son niveau actuel, deux fois moins vite que le meilleur du monde.
Fabrice était fatigué à l’entame de sa préparation, avant même de partir pour Berlin, il se projetait déjà sur un marathon suivant, en fait il va s’aligner à La Rochelle et Berlin n’a pas été couru à fond.
Jilali sans préparation a pris le départ avec l’envie de passer sous 3h30, sa fille lui avait pronostiqué son temps de passage au semi et cette prédiction s’est avérée, il a fait 1h43 et au final 3h27.
Alain avait été blessé un mois avant le marathon et avait été contraint au repos total, il n’a fait que des footings dans les trois dernières semaines selon mes recommandations. A la finale, avec en vue la possibilité de battre son record personnel, sur les derniers kilomètres, là où le public est très dense il s’est auto-motivé et a terminé très fort. En effet il a gagné une minute et réalise 3h24. Pour ceux qui connaissent un peu Berlin, il faut savoir qu’à partir de Ku’Damm, l’artère où se trouvent les belles enseignes de prêt à porter, la foule est tellement dense qu’au moment d’arriver à l’église du souvenir, l’artère qui fait plusieurs voies de circulation se retrouve réduite à une seule et les Bretons pourraient se croire à la côte du Vincin avant de terminer Auray-Vannes. A Berlin c’est plat mais à cet endroit on peut taper dans les mains des spectateurs des deux côtés. Il reste quand même pas loin de 7 kilomètres à parcourir.
Karim est celui qui me fait le plus de bien et peut-être le plus de "mal." Réglons de suite le négatif, de part la régularité de sa progression, il pourrait faire croire que je suis un super coach et ainsi cela me fait de la publicité qui pourrait être mensongère. Ce qui est vrai c’est que cela fait trois années que nous apprenons ensemble, que nous progressons ensemble, que je sois bon ou non, nous progressons, nous nous améliorons. Il va plus vite, il n’est pas con, il comprend, il adapte et moi je capitalise de l’expérience. En résumé, le mal c’est que je suis énormément sollicité pour « imiter » l’entraînement de Karim, et par politesse je dois expliquer que je ne peux entraîner tout le monde. Le Bien c’est quand les résultats sont là, il est heureux de ce qu’il fait, il peut … ce n’est pas rien ce qu’il réalise et il est surtout honnête, il sait d’où viennent les résultats, des capacités, des compétences et du travail, le sien, je savoure ses succès, cela me motive.
Laurent était de mon point de vue, super bien préparé, je me suis trompé, c’était la première fois qu’il suivait de bout en bout une préparation spécifique intégralement basée sur ses capacités. pas en copiant les séances d'un autre ou un truc piqué dans une revue Les séances étaient calibrées en fonction de l’ évolution des correspondances FC/allures. J’avais prévu un chrono en 2h32, j’y croyais dur comme fer. Laurent a fait une seconde de plus que son record personnel. A partir de La Rochelle 2007, il a fait 2h37, 2h37, 2h37, sauf au mont St Michel que je classe à part car seulement 18 jours après le championnat de France où il est quand même champion par équipe en vétéran.
Il n’y a pas que le travail qui justifie mon silence, mon retard, il faut l’avouer je ne peux me résoudre à parler de mes échecs personnels, c’est humain. De plus, à quoi serviraient des écrits qui démoraliseraient quelques lecteurs ?
J’ai beaucoup appris sur mes amis que j’entraîne et qui étaient à Berlin. Nous avons parlé de course à pied, nous avons discuté de nos contraintes au quotidien. Nous sommes vraiment dans des environnements différents, nous ne pouvons vivre la course de la même manière. Nous avons des expériences différentes. Pour ma part j’ai quelques dizaines de marathons, quelques cent-bornes, quelques trails à mon actif. Certains coureurs n’ont que 3 ou 4 marathons.
Je côtoie des coureurs qui ont des dizaines et des dizaines de marathons au compteur, certains ont la chance de toujours courir vite ou tout du moins à fond de leurs capacités. C’est sans nul doute au niveau de la motivation qu’ils diffèrent de moi. C'est à dédé que je pense,Pour un petit nombre, j’ai l’impression que la magie est en train de disparaître, ils en ont peut-être trop fait.
Pour ma motivation, peut-être ai-je une explication. Chaque fois que je croise un coureur, je ne peux m’empêcher de regarder et critiquer sa foulée, sa gestuelle, sa posture. Quand je m’entraîne et que je suis bien, j’ai du plaisir à me « regarder » et me croire « aérien ». Quand je cours longtemps et c’est le cas sur un marathon, ma foulée devient lourde, mon corps s’affaisse, mes pas « résonnent » mes bras, mes épaules tombent, mes genoux ne plient plus, mes talons ne remontent plus, cela ne ressemble plus à rien , si je sais à quoi çà ressemble alors je ne veux blesser personne et je me tais ; mais moi, je sais et je suis « atteint ».
Le marathon de Berlin n’a pas été pour le coureur que je veux être, du bonheur, le voyage a Berlin a été source de plaisir et de bonheur simple paratgé avec les gars.
Tous les voyages n’ont-ils pas comme but de faire découvrir. Découvrir d’autres endroits, d’autres personnes, d’autres cultures, d’autres modes de pensée, d’autres facettes … Je continue à découvrir …
En effet, il y a des coureurs que j’entraîne depuis plusieurs années, avec certains j’ai vécu des déplacements d’une ou deux journées pour des compétitions, avec d’autres, je ne les ai coachés que lors d’un cross ou d’un 10km. Il y a l’expérience du suivi à distance de plusieurs semaines avant un marathon et il y a eu cinq jours passés à Berlin.
Pour clore sur ma personne, je suis venu pour revoir mon fils Julien, c’est un garçon plein de talents, il ne court pas mais a beaucoup aimé passer du temps avec les « drogués de la course à pied », ce voyage m’a approché de lui le temps du week-end mais dans le même temps, il m’a éloigné des autres enfants. De retour, à Rennes, les autres qui sont tout aussi adorables méritent mon attention, ce n’est pas parce qu’un de ses enfants a énormément besoin à un moment donné qu’il faut priver les autres. L’invitation au voyage est aussi une invitation à l’introspection. L’envie de découvrir les horizons lointains ne doit pas faire oublier qu’à deux pas il y a tant à découvrir, à commencer par soi-même, ses faiblesses qu’on peut positiver, on peut découvrir que ceux qu’on aime vivent, changent, grandissent, se construisent, on est là pour les aider éventuellement, pour les aimer sûrement, j’ai la chance de ne pas être seul pour çà. Pour vivre heureux, pour ne pas tourner en rond, pour ne pas se morfondre, on se doit d’avoir des projets. Quand j’étais plus jeune, j’aurais formulé l’envie de changer le monde. Avec le temps ce n’est pas la révolution qu’on veut mais l’envie d’améliorer les choses. Et si le voyage n’était qu’un prétexte à vouloir continuer à être jeune et à rêver.
Pourquoi ai-je plus de plaisir à entraîner qu’à moi-même essayer de performer ? Parce que plus aucun chrono ne me fait rêver alors que je vois dans mes athlètes l’envie. Ils ont des raisons de vouloir s’améliorer. Ils ont raison car ils vont s’améliorer. Berlin a encore été l’occasion de montrer que Karim n’a pas fini de battre ses records.
Si demain, la fédération remettait le championnat de France de marathon peut-être aurais-je encore l’envie de m’entraîner pour refaire le temps de qualification pour l’instant, c’est l’invitation aux voyages qui me motive.
L’année prochaine j’irai en tant qu’accompagnateur à des marathons avec mes athlètes. Pour mon plaisir immédiat, je vais aller renouer avec les sentiers côtiers, avec les chemins sous bois, avec les paysages de campagnes avec les grimpettes dans les montagnes.