samedi 15 octobre 2011

presque demie diagonale d'un coureur pas prêt à devenir fou

Réveil samedi 15 octobre 6 heures ici à La Réunion.


La première chose que je fais, c'est la consultation de l'avancement de mon ami Thierry, tout va bien, quand je m'étais couché il était sorti de Cilaos, il était resté un peu plus de 2 heures, il a donc pris une douche et a dû se reposer un peu. Thierry est à Marla, il sera sans doute à la Redoute dans la journée nous pensions courir dans la nuit à Mafate et il va tout faire de jour, c'est bien pour les yeux et c'est tant pis pour le « chrono ».

Pour ma part, je me remets de ma journée difficile, j'ai mal à plusieurs endroits: mal au cou, comme un contracture, mal au dos, il a été de nombreuse fois vrillé, par exemple, le buste tourné à droite et la jambe droite glissant et partant à gauche vers l'arrière, les bras et les mains se retrouvant dans la boue ou pire sur des rochers qui m'ont blessé les doigts et m'ont laissé des bleus sur les quadris et les mollets, un autre « endroit » qui me laisse un goût amer, ce sont les quelques fois où les spectateurs me disaient gentiment: « allez georges, courage georges, bravo georges ». C'est un problème récurrent où mon état cicil ne colle pas avec mon prénom d'usage.


Des courriels et des sms d'amis sont arrivés en nombre sur mon mobile et mon compte de courriel. Avec ce papier, je vous réponds à tous sans oublier chacune des touches particulières liées à chacune de nos expériences vécues ensemble.

Il y a les coureurs avec qui je m'entraîne toute l'année et nous nous voyons plusieurs fois dans la semaine, il y a les traileurs avec qui je fais quelques sorties spécifiques en terrain comportant des passages techniques, Guerlédan ou la pointe du grouin, il y a mes amis entraîneurs qui savent ce qu'il y a dans ma tête de coach et qui me savent fort pour motiver les autres mais toujours « seul et faible» quand il s'agit de charlie l'athlète, il y a ceux qui étaient là en 2009 , les pas pressés quand j'ai eu plus que de la déception, un sentiment d'être le roi des imbéciles, celui qui ne lit pas le carnet de route et qui manque de respect à cette fameuse diagonale des fous. Quand on regarde les résultats 2009, qu'on tape mon nom, c'est juste mis, départ St Philippe Cap Méchant et abandon. Pour rappel, j'étais arrivé au pointage à la route du volcan vers 9h00 et avait été mis hors course parce que le pointage était terminé, l'informatique rangée, le ravitaillement était en train de fermer. Pour information, c'est un endroit qu'on peut atteindre en voiture, c'est sur le bord du cratère du piton de la Fournaise et la vue le matin de bonne heure est très belle.

2011, tout avait très très bien commencé.


Nous étions deux amis à nous inscrire à cette diagonale et nos femmes qui n'aiment pas spécialement la course sont amies et se voient toutes les semaines elles s'appellent pour rire les femmes désespérées clin d'oeil à la série télé. Nos desesperate housewives ont bien géré notre voyage à la Réunion, c'est attablé devant la piscine d'un superbe hôtel choisie par elles que j'écris ce papier. Thierry vient de passer à trois roches, il a perdu 3 places depuis Marla et seulement une place en catégorie V2, 883ème au scratch et 130ème V2.

Revenons à ce séjour qui a très bien débuté, nous avons passé les premiers jours à St Pierre pour être assez proche du départ de la course, cela nous a permis de nous promener et faire des repérages, nous avons vu le stade à Cap Méchant, visité des coins sympathiques sur le sud de l'île, nous sommes montés au volcan mais la météo était mauvaise nous n'avons pas vu grand chose sauf le point de ravito du piton Textor avec la surprise de rencontrer Jacques un trailer de St Gilles, pas sur l'île de la Réunion, St Gilles, à l'ouest de Rennes. Le jour de la prise des dossards, nous avons fait un crochet, avons quitté la route des tamarins et avons profité d'une éclaircie très brêve pour contempler le cirque de Mafate depuis le piton Maïdo. En ce moment, thierry passe justement en dessous du Maïdo, la diagonale entre dans Mafate par le col du Taïbit, descends à Marla, passe à Trois Roches puis Roche Plate qui est juste en dessous du Maïdo, se dirige vers le nord ilet des orangers pour sortir par la rivière des galets en passant à deux bras.

La météo sur le centre de l'île a été mauvaise, il a plu les 3 jours précédents la course, nous sommes restés sur les bas, côte sous le vent où il fait beau. Nous avons vu côté sud est au vent, les traces des différentes coulées de lave des éruptions de 2007, 2002 et de la fin du 20ème siècle.


Pour rester sur de belles images, je vous raconterai ma course sans respecter l'ordre chronologique.

Départ de Cap Méchant, cela se passe bien, il y a beaucoup de monde, Robert Chicaud, nous promet de la souffrance, la diagonale n'est pas une épreuve pour n'importe qui, il nous promet du froid à peine 2 degré sur le volcan mais pas de neige, il fait l'allusion à la boue à cause des pluies des derniers jours et nous promet un changement de parcours à cause des passages impraticables dans la forêt de Belouve après Mare à boue. Le coup de pistolet est donné, mon cardiofréquencemètre ne fonctionne pas, j'ai l'habitude, lors de départ, il y a trop d'émetteurs à proximité qui brouillent le système. J'entends des coureurs qui annoncent leur vitesse proche de 11km/h. Cela me va bien et me dit qu'ils vont se calmer et marcher dès que cela va grimper. Thierry me dit que c'est un peu rapide et je lui réponds qu'au moins nous n'aurons pas les randonneurs devant nous sur le sentier dans la pente à 28% où il y a deux ans, j'étais bloqué dans un véritable bouchon et ça n'avançait pas. Ma stratégie est de partir vite comme en cross et ensuite une fois placé, redescendre à ma vitesse de croisière. Ce qui devait arriver arriva, dans les champs de cannes à sucre les coureurs reviennent à leur niveau, pas mal se mettent à marcher, d'autres alternent marche et course lente. Plusieurs fois je crie « thierry » et comme je n'arrête pas de doubler, je crois que je l'ai perdu, quelques minutes avant d'arriver au pointage et ravitaillement, thierry me rattrape et me dit que nous étions très rapides, c'est vrai car nous constatons que nous avons mis moins de 2 heures à monter là, donc 1h00 avant le hors délai, le ravitaillement est très bref, juste le temps de picorer et recharger nos poches d'eau. Même à ce niveau je me mets à courir pour grapiller des places avant la grimpette. Nous faisons toute la première partie ensemble, je me mets dans les pas de mon prédécesseur et je suis toujours très concentré, je regarde de temps en temps l'altimètre, je sais que cette partie est très très longue, 1400m de dénivelée positive en un seul coup. Arrivé à 1400m d'altitude, je calcule que j'ai fait la moité de la montée et je décide de calmer le jeu. Les places sont faites. A la louche, j'ai assez de mou pour passer sans être inquiété par les barrières horaires. Thierry continue à ce rythme qui lui convient, moi je devais être en sur régime et l'altitude ne m'arrange pas. Enfin le groupe dans lequel je suis bien arrive à découvert, ce ne sont plus que des arbustes et ils ne protégent pas du vent. Robert Chicaud nous avait préduit 2 degrés, j'enlève mon T Shirt Trempé, je mets les manchons aux bras, le buff sur la tête et mon coupe-vent, je ne sentirai jamais le froid. Passage au ravito de foc foc, je ne charge pas la poche à eau, je mange tout ce que je trouve car je sais qu'en fin de nuit je risque une hypoglycémie, je bois du coca et du café avec du sucre et fonce, je ne reste que 5 minutes et repars vers le prochain pointage qui n'est qu'à 7 km donc à 1 heure au plus. Même si ne reste que ¾ d'heure sur ce tronçon, je m'endors debout quand je ne cours pas, à un moment je me réveille et m'aperçois que je suis loin du parcours alors j'accèlère pour ne pas m'endormir à nouveau. Enfin j'arrive sur le lieu de mon plus mauvais souvenir de course, je lève les bras, je savoure ce petit moment de bonheur, je passe au pointage avec un très large sourire car la fois précédente, c'est bien là que les bénévoles se demandaient qui « oserait » me retirer mon dossard. Je scrute toutes les personnes qui arborent un badge de l'organisation en espérant voir le chef de poste j'aimerais lui dire bonjour et lui rappeler l'anecdote malheureuse pour moi. Bon cette fois-ci , j'ai pointé à 4h12, il fait nuit et l'heure limite est à 7h45, j'ai plus de trois heures d'avance. Commence ici, le parcours que je n'ai jamais emprunté, direction piton textor via l'oratoire ste thérèse ancien point culminant de la course à 2400m, nous sommes déjà à 2320m donc ce sera des petites successions de montées et descentes.


Petit saut dans le temps, car pour moi le plus beau moment m'a tellement ému que j'en ai la gorge serrée et mes yeux se régalent du souvenir des images que je garde en moi, je l'avais dit, je n'ai pas pris d'appareil photo et puis si quelqu'un veut voir, qu'il se déplace car c'est incomparable d'être sur place et de voir des images sur papier ou sur écran.


Piton Textor, 2065m, descente vers le chalet des Pâtres, nous traversons la plaine des Caffres entre des champs où paissent des vaches, et surtout entre des barbelés pour délimiter leurs lieux de patûrage. Ces fils ne me dérangent pas plus que ça et délimitent un passage qui en temps normal permet de courir à plusieurs de front et pour moi de doubler les marcheurs, là c'est une autre histoire, la pluie et les premiers raideurs ont fait leur oeuvre, une trace en temps normal est devenue une ornière boueuse, les coureurs l'évitent et font de nouvelles traces sur les bords, malheureusement cela ressemble à une cuvette et comme je suis toujours chanceux, je glisse sur la boue et me casse la figure plusieurs fois. A l'approche du chalet nous sommes sur une sente zigzaguant le long d'une faille, je glisse encore et par peur de me retrouver dans une ravine, je me contracte et c'est une crampe qui me prend à la cuisse gauche. Les autres fois ce sera l'autre cuisse qui crampe.

En fait alors que ce n'est pas si glissant, je fais quelques chutes avant de me faire apposer une pastille sur le dossard au chalet. Avant d'arriver à Mare à Boue, nous avons droit à une route qui me permet de faire de la marche rapide et je redouble tous ceux qui m'ont gentiment encouragé quand ils me passaient à cause de mes chutes et mes crampes. Avant Mare à Boue, il y a de très nombreuses familles qui viennent faire des ravitos sauvages, je comprends mieux pourquoi il y avait peu de sacs déposés la veille pour Cilaos et Deux Bras. En tous cas toutes ces familles nous encouragent tous et me donnent du bravo Georges. Pointage, heure limite 12h00 et il n'est que 9h05 soit pratiquement 3 heures d'avance. Là je prends un bon repas poulet pâtes, soupe vermicelles, je recharge la poche car on me dit qu'il y a de l'eau à 8km puis 21km, c'est à dire Hell Bourg.


A peine sortie du ravitaillement, je me suis mis à courir et j'ai doublé des groupes de raideurs-marcheurs, très rapidement nous nous sommes trouvés à la même vitesse car nous avons eu droit à de la boue, il y avait des passages très dangereux car les rochers étaient recouverts de boue laissée par les chaussures de nos prédécesseurs. Nous ne comprenions pas car on nous avait promis d'éviter les sentiers avec la boue impraticable. Jamais je n'ai vu de ravitaillement en eau, j'ai terminé l'étape à sec, pas grave j'ai connu pire et là, c'était humide donc je n'ai pas eu la sensation de coup de chaud et soif. Dans la forêt de Bélouve, j'ai dû faire une dizaine de chutes avec souvent torsion du dos, j'avais l'impression de faire une révision du judo, chute latérale à droite, chute avant, chute arrière, latérale gauche. Un spectateur rencontré sur une portion de route m'a offert des gants de VTT en me disant que ça me servirait, c'était vrai car je me suis plusieurs fois raccroché à des branches d'arbre. Les pieds qui glissaient dans tous les sens, les chutes, les vrilles de mon dos, ça m'a épuisé et mon cou est encore tout contracturé. J'étais dans un groupe qui a presque unanimement abandonné. Certains disaient pourquoi sommes nous punis, nous n'avons rien fait de mal. A un moment, j'ai vu une fleur magnifique, j'ai constaté qu'il n'y avait personne qui regardait, nous avons passé au moins 4 heures à regarder où mettre nos pieds. Le sentier est complètement saccagé. L'ONF va surement interdire le passage l'année prochaine, les arbres ont été torturés par les raideurs déséquilibrés.

Non loin du gîte de Bélouve, nous avons été rejoints par un groupe de raideurs qui a pris un raccourci par la route, en effet, une très grande partie des sentiers longeait la route forestière et cela nous aurait fait économiser beaucoup d'énergie. Cela paraissait interminable, là j'étais dans un état mental déplorable, mon téléphone n'arrêtait pas de sonner, c'est bête mais c'est normal que les proches s'inquiètent et m'appellent mais cela me sortait de la course et chaque fois il fallait que je trouve un endroit pour m'arrêter ce qui n'était pas facile. Dans une autre vie j'en aurais voulu à la terre entière, comme je sais que tout ce qui m'arrive, c'est moi qui l'ai voulu, je ne pense qu'à une chose: »de toutes façons, cela va bien finir par s'arrêter! » Dans la journée, même si beaucoup se sont plaints lors des entrevues télévisés, Robert Chicaud a déclaré très justement qu'un traileur se doit de courir en nature, par tous les temps et si des personnes n'aiment pas la boue alors ils n'ont pas la place sur cette course. « pas faux » je ne reviendrais surement pas car la prochaine fois ce serait peut-être la chaleur ou un autre prétexte météo qui me ferait abandonner. Sincèrement, je suis un coureur et je me demande si courir dans la boue en Bretagne lors des cross me procure pas un bonheur immense alors qu'ici à la Réunion, c'est démentiel, normal c'est la diagonale des fous.


Nous avons mis 8 heures pour faire Mare à Boue - Hell Bourg c'est à dire 21km avec des portions de route, nous avons accéléré pour ne pas arriver juste pour repartir. Hell Bourg soit en anglais le bled d'enfer !


Dans la descente entre le gîte et le bourg qui était annoncé pour ¾ d'heure et j'en ai mis ½ heure de plus avec pour lièvre un Réunionnais, je me disais que je pourrais dormir un quart d'heure et repartir requinqué, j'étais épuisé et des copains de circonstance demandaient tout autour si c'était normal de ne plus avoir de jambes alors que nous n'étions mêmepas à la moitié. Fallait-il repartir, s'interrogeaient-ils. D'autres disaient qu'ils n'avaient plus de jus, ils avaient tout laissé dans la boue et ne pouvaient pas affronter la montée dans la nuit et pire la descente du bloc après le gîte du piton des neiges. Dans ma tête, « même pas mal et des dizaines de personnes me soutiennent depuis la métropole ».

Dans mon cas, arrivée à 17h22 en bas et montée vers le stade pour manger vite fait dons pas possibilité de dormir un quart d'heure. le poste fermait à 18h00, de nombreux raideurs ont abandonné là épuisés par la boue et bigrement remontés contre l'organisation et je suis parti avec un groupe pour tenter d'atteindre le gite de la Caverne Dufour (Piton des neiges) à 22h00 puis Cilaos à 0h30 soit une nuit dehors de 6h30 en grimpette (gîte à presque 2500m point culminant de la course) et descente vers Cilaos par le bloc sachant que tout était trempé.

à 1400m d'altitude j'ai réalisé que je ne serai jamais dans les temps et ne pourrai pas dormir en nature car c'était humide et en haut il ferait proche de zéro degré, j'étais trop fatigué pour passer seul plusieurs heures en montagne. Les frontales s'éloignaient dans la nuit et je me retrouvais dans le noir. Beaucoup repartaient en sens inverse alors j'ai fait pareil. J'ai mis 2h15 pour descendre 400m de dénivelée négative!

Dans la descente j'ai appelé l'organisation pour qu'il sache que j'étais hors course et ne m'attendent pas au prochain pointage. Plusieurs fois j'ai croisé des raideurs hors délai qui voulaient juste joindre Cilaos pour dormir abrité. Je suis arrivé à Hell bourg à presque 22h00. C'était la fin de ma petite galère et il n'y avait rien à manger. La navette qui ramenait les « abandons » venait de partir. Heureusement un compagnon d'infortune logeait non loin d'où dormaient les filles. Aujourd'hui Babeth me dit que j'ai maigri, dommage que je ne reste pas presque maigre pour les futures course où éventuellement j'irais plus vite, en très peu de temps, je vais me restaurer, récupérer, me reconstruire, en fait je vais me regoinfrer .


Pour conclure, il se pourrait que je sois devenu trop sage et ne veut pas me mettre en danger, je n'aurai jamais le T Shirt «Diagonale des Fous, j'ai survécu », qu'importe le bonheur est là.


En ce mois d'octobre 2011, j'ai vécu des moments forts, j'ai savouré des instants magiques.


Quand je suis passé au ravitaillement de la route du volcan, il faisait nuit et déjà c'était un bonheur prémédité, en 2009 c'était à 9h00, la course partait à minuit, cela faisait 9 h de course dont 3h le jour, la vue des nuages en dessous était belle mais m'avait coûté cher, cette année, départ à 22h, je suis passé en pleine nuit à 5h20 soit 1h40plus rapide. C'est bête mais déjà j'étais comblé, heureux « béat », les larmes et la gorge serrée étaient bien présentes. Toute la partie avant le Piton Textor n'a été que du plaisir. Le moment le plus fabuleux a été dans les virages de la montée à l'oratoire Ste Thérèse, Le soleil s'est levé sur le piton en face, dans le creux on distinguait des centaines de raideurs, sur cette partie roulante, j'en avais doublé un paquet et quand je m'arrêtais pour savourer ce moment, certains me repassaient, je leur disais que c'était beau, magnifique, je pleurais de joie. Rien que cela valait le déplacement, c'est un moment d'éternité, c'est cela qui est gravé en moi, cette couleur douce, orangée qui m'apaise, c'est le bonheur d'être sur mes jambes, de grimper où je veux et contempler une montagne au dessus d'une vallée et dans le cas de la Réunion, la montagne est au dessus de l'océan, c'est fantastique, papa n'aura jamais connu cela et j'ai une pensée pour lui. Que la vie est belle, mes amis en course ou en randonnée, c'est comme vous voulez, regardez les paysages, dans une nuit de pleine lune, les plantes et les cailloux vous font imaginer toutes sortes de chose, quand une couleur orangée d'un lever de soleil apparaît c'est magique, c'est la fin de la nuit, la naissance d'un journée, c'est l'éternel recommencement, c'était là avant nous, ce sera là des millions d'années après nous. Que notre terre est belle!



lundi 3 octobre 2011

Ego

Citation d' André Comte-Sponville :

« Tout Ego est frustré, toujours. Quand il n'y a plus de frustration, il n'y a plus d'Ego »


Cette citation m'a éclairé et aidé à analyser mes résultats récents sur des projets importants, certains m'ont donné une grande satisfaction, d'autres des frustrations, des désillusions et dans certains cas, je n'ai pas réellement eu de déception mais seulement de la surprise et c'est tant mieux. Clin d'oeil à kung fu panda: « demain est un mystère, aujourd'hui est un cadeau c'est pourquoi on l'appelle présent ». L'entraînement n'apporte pas de certitude, heureusement une course bien préparée ou non apporte des surprises.


A chaque fois pour mes projets, il a été question d'oeuvre collective impliquant des dizaines voire des centaines de personnes et quand il s'agissait de performance sportive, cela a été une connivence entraîneur-athlète.


Quand on m'a jugé sur mes décisions sur mes positions sur la conduite d'un très très grand projet où j'ai donné énormément pendant un an, j'ai sans doute souffert de non-reconnaissance mais avec du recul, c'est bien mon Ego qui n'a pas supporté la critique surtout qu' elle était négative. Si j'étais resté sur ma conviction initiale que ce qui compte c'est donner qui me rend heureux, j'aurais sans doute retenu que tous ceux qui ont reçu le cadeau étaient heureux et reconnaissants, comme c'est ma personne qui s'est sentie attaquée par toutes les imperfections, mon Ego était frustré.


Depuis la fin de ce gros chantier, ce grand projet, la vie que j'aime est revenue au premier plan. Cet été j'ai renoué avec l'envie de courir pour moi, pour mon plaisir, mon équilibre sans référence aux autres sans vouloir être devant ou derrière, juste courir dès le lever et écouter sentir la nature et respirer profondément pour en quelque sorte méditer. Dans la journée, ma vie ressemble à de nombreuses autres, mais le midi j'ai la chance souvent d'aller au stade, je cours pendant l'échauffement des athlètes et bavarde avec mes amis entraîneurs pour savoir qui fait quoi. Souvent je me laisse encadrer par un autre entraîneur et c'est bien reposant et agréable d'entendre les consignes, comme « grandis toi, regarde loin, relâche tes épaules, griffe ... » Quelquefois, je regarde des athlètes à qui j'ai donné une séance précise et éventuellement je donne des conseils ou bien encourage. Il y a tous les niveaux sur le stade et dans mon club. Des mauvaises langues font croire que seuls les champions peuvent prendre une licence chez nous. C'est complètement stupide, pour preuve, moi-même avant d'en devenir dirigeant, j'ai bien intégré ce groupe de passionnés de course à pied, mes chronos étaient modestes, ils se sont améliorés et ils resteront à jamais modestes. En tant qu'entraîneur, mon Ego a pu mettre en avant mon expertise et plus j'entraîne plus j'ai des résultats et plus je sais que je ne suis que pour très peu de chose dans la performance. Pourrais-je prétentieusement faire une analogie avec les « accoucheurs », c'est à dire affirmer que les coureurs ont en eux même la connaissance et que je ne suis là que pour les aider à accoucher ? La vérité est celle qui vous va bien et je vous laisse heureusement votre libre-arbitre.


Maintenant, il est temps de replacer l' Ego à sa place … Ailleurs.


Prenons les derniers échanges que j'ai eus. Dimanche 25 septembre, les deux garçons qui couraient au marathon de Berlin m'ont envoyé leurs résultats. Christophe et Jérôme ont chacun battu leur record personnel. Et j'ai eu droit aux : « bravo au coach charlie! ». A Berlin les conditions étaient bonnes et le record du monde a été battu par Pascal Makau en 2h03'38 .


Ce qu'il faut en retenir comme souvent dans le succès des coureurs, c'est que les conditions étaient toutes favorables, bonne préparation, bonne forme de l'athlète, bonne diététique les jours précédents, bonne gestion de course, bonne météo, pas de vent, pas trop chaud et bon mental.


Un des ingrédients n'est pas au rdv et cela ne fonctionne pas. Par exemple, il n'y a pas de confiance dans la gestion, les conseils, les réajustements du coach et cela suffit pour instiller un petit poison dans la tête du marathonien alors là oui, nous trouvons un responsable (le doute).


Nous avons fait un bilan oral avec Christophe, chrono de 2h52 en dinant ensemble et avec Jérôme en 2h49'16 (12 secondes gagnées) par téléphone puisque nous sommes dans un cas proche et dans l'autre élogné de milliers de kilomètres. Un jour il me faudra retourner chez Jérôme car Vienne est une ville que j'aime !

Nous savons que tout n'a pas été parfait et que dans les deux cas, nous pensions faire un meilleur chrono. Le marathon est une épreuve terrible car il suffit d'un moment où on se trompe d'allure et des dizaines de secondes s'envolent. C'est le cas, quand un marathonien ralentit sans s'en apercevoir en s'installant dans un confort comme dans l'autre sens quand il se sent fort et accélère et hypothèque la fin de course.


Ce dimanche 2 octobre, Alain a fait son deuxième marathon de l'année, après des conditions dures (chaleur et vent) au Mont St Michel il n'a pas eu de chance et il a eu droit à l'été indien à Lyon. Le vainqueur Rachid Ghammouni à lyon finit en 2h23'12 alors qu'il a fait 2h12'49 à Nice-Cannes en 2010. Alain s'est entraîné dur aussi, il avait l'air très bien et je le voyais approcher les 3h05. La météo n'était pas favorable ce dimanche, les organisateurs n'ont pas mis la climatisation Alain a fait 20 minutes de plus que ce que j'avais parié!

Pour se mentir un entraîneur pourrait dire, dans un cas c'est grâce à moi, dans l'autre c'est à cause de la météo.


Ce midi, avec d'autres entraîneurs du club, nous avons tenu le bureau et nous avons planifié des déplacements en groupe en car, nous avons décidé de futurs moments sympathiques comme le prochain st pol morlaix/ Taulé morlaix ou bien un marathon au printemps.


Quand je fais un raccourci, j'arrive à la conclusion que certes cela fait plaisir d'avoir des athlètes qui performent, qui quelquefois sont champions dans leur catégorie ou par équipe, mais quand nous mettons notre Ego ailleurs, nous retrouvons toujours de la joie, du bonheur de participer à des projets ensemble que ce soit pour un gars ou une fille qui va vite ou comme pour le ou la débutante qui nous a rejoint dont le seul objectif est de terminer sa première course.


Pour ceux qui ne le savent pas encore, une des qualités requises en course à pied en endurance c'est la patience, nous avons tous des exemples d'enfants qui n'étaient pas doués qui à force d'années d'entraînement avec les copains qui étaient toujours devant sont devenus des très bons coureur(e)s et aussi d'exemples de coureurs de très bon niveau régional qui venaient pour « piquer » les plans d'entraînement d'un club spécialisé marathon et qui repartaient sans avoir progressé ni dans leur pratique ni dans leur compréhension de ce que sont les rapports et la qualités de ceux-ci entre athlète et entraîneur qui sont gagnants. Attention, ne croyez pas qu'en étant plusieurs nous sommes plus forts mais quand on a plusieurs amis au service des autres cela fait beaucoup de valeurs communes et beaucoup de passion et de partage et on nous apprécie.


Avec le groupe d'entraîneurs que je côtoie et cela va au delà de mon club, en nous effaçant tout en suscitant la confiance, nous avons beaucoup de plaisir et très peu de frustrations car il reste moins d'Ego