mardi 1 mai 2012

Week End du 28 et 29 avril

Samedi 28 avril 2h00 du matin, réveil, la nuit a été très courte et il faut se préparer pour le BUT c'est à dire le Bretagne Ultra Trail.
Le sac que je récupèrerai à Plouay est quasiment prêt, il faut juste que j'y mette la crème anti-frottement après en avoir mis aux endroits "critiques".
Ma tenue est bien lourde car mon objectif est d'avoir l'équipement obligatoire sur les très longs trails en montagne avec des vêtements pour résister au froid, il ne me manque qu'une polaire fine et un collant trois-quart qui descend sous le genou. Passage en revue de ce que j'emporte, deux bâtons télescopiques, des gants, une casquette, la veste en Gore-Tex, deux lampes à LED, une au front et une au ventre, mes lunettes de vue, un sous-vêtement manches longues HH, un boxer en lycra, un shorty qui sera remplacé par un trois-quart, des tubes de compression qui me servent surtout de protège mollets contre les griffures ou les orties, chaussettes techniques, chaussures de trail et mon sac qui contient la poche à eau, le sifflet, le téléphone, de la nourriture, de quoi strapper, un gobelet plastique, la couverture de survie, les piles de rechange, le roadbook. Il y a bien des choses qui ne serviront pas mais je dois m'habituer à avoir ce poids "inutile" aujourd'hui et obligatoire un autre jour.
3h00 avec Thierry Traub, nous montons dans le car qui fera le trajet Le Pouldu vers Le lieu du Départ. Le car part un quart plus tard et met plus d'une heure pour nous déposer. Nous posons nos sacs qui iront à Plouay et nous entrons dans un bistrot où nous est offert une boisson chaude. Mon thé est à peine entamé qu'il me faut sortir pour écouter le directeur de course qui donne des indications sur le trail.

5h00, Pas de coup de pétard pour le départ, c'est juste un message du type : "bon vous pouvez y aller, bonne course". Cela part vite, j'ai froid et je suis content d'être bien protégé avec ma veste. Thierry me donne un peu plus tard notre allure nous sommes en fin de peloton et pourtant je trouve que cela va très vite. Je ne suis pas essoufflé, je contrôle ma FC qui est basse, c'est à dire conforme à mes sorties très très lente. Mes footings se font souvent au début à FC 135 et au bout d'une heure à FC 145, là je suis en dessous de 120 ce qui est la FC travaillée par Thierry Dehais qui devraît être sa FC de 24 heures pour une allure de 5'10 au début puis 5'25 en croisière si les conditions météo sont normales.
Tout va bien, je suis le peloton et n'ai pas besoin de chercher les rubalises ou les flèches fluorescentes d'indication de changement de direction.
A un moment j'ai vraiment trop chaud alors je m'arrête, il faut enlever le scratche des dragonnes des bâtons,  les poser, ôter la veste en gore-tex, dézipper ma veste-sac, ranger la veste dans  la veste-sac (dézip et rezip), remettre la veste-sac, zip, ... ne pas s'embrouiller, refermer le sac, zip, remettre la veste-sac, zip, reprendre les bâtons, re-scratcher les dragonnes, oups, c'est bizarre les scratches ne vont pas, j'ai échangé la droite et la gauche, j'intervertis et je re-scratche, c'est bon je repars. 
Manque de bol, je suis dans le noir, il n'y a plus personne alors il me faut chercher les rubalises. A un moment je vois une flèche fluo, je tourne et me retrouve dans les branchages, je reviens sur mes pas, j'essaie de tourner plus loin et pareil. Comme j'entends des coureurs arriver je leur demande le chemin, j'ai du bol ce sont les serre-files alors ils me montrent le chemin. 
Il y a des portions très roulantes et très simples (pas à se demander si je me suis perdu) alors je me permet d'accélérer et ainsi recoller à d'autres trailers, je ne suis plus avec les serre-files.
Le jour va se lever et je sais déjà que ce trail breton mérite le nom de trail, la dénivelée n'est pas un mythe, il y a des successions de montées et descentes dans les bois et la dénivelée de plus de 2000m annoncée n'est pas une erreur de calcul j'ai déjà l'impression que plus que les montées, les descentes me fatiguent les cuisses.
Pour ne pas être rattrapé par les serre-files, dès que c'est possible je cours dans les faux-plats aussi bien montants que descendants, sur les pentes plus raides, j'utilise les bâtons sans jamais changer leur longueur. Une seule fois dans la course j'aurai le nez dans la pente et raccourcirai les bâtons.
Tout se passe bien et comme tous les coureurs je me rapetisse pour passer à l'intérieur d'une des maisons du village de l'An Mil où il reste un odeur de feu de bois, un peu plus loin c'est le premier ravitaillement en eau, je contrôle ma poche, avec 1 litre au départ, il reste la moitié, je bois 20cl dans mon gobelet et après un rapide calcul, j'ai parcouru 18,7 km il y a 7,9 kms pour atteindre le prochain ravito, alors je n'ai pas besoin de recharger et je repars  mais le dernier de la course lui ne s'est arrêté que quelques secondes et m'a dépassé, je suis donc le dernier. 
Avant Bubry j'ai redoublé et je me suis encore perdu un moment, et me suis fait redoublé et il s'est fait redoublé. L'ultra comporte c'est vrai beaucoup de répétitions et c'est difficile de ne pas faire de récit lourd en terme littéraire, autant on peut faire un poème très court et très dynamique sur une course dans un stade, autant il faut bien s'attendre à décourager un lecteur intéressé par le récit d'une épreuve d'endurance. Notons qu'il n'est pas encore question de souffrance.
Bubry est atteint malgré quelques errements, pendant que j'enfourne des tranches de saucisson avec des Tucs, je consulte le roadbook et constate que je suis à l'aise au niveau des barrières horaires, en fait il n'y en a qu'à Plouay et c'est dans 25,4 kms alors que je viens d'en parcourir 26,6 et pauses comprises je n'ai pas mis 4 heures, il me reste 5 heures pour arriver, c'est quand même bien si j'arrivais avec plus d'une heure d'avance.
Encore un bout d'emmenthal et du saucisson, encore une fois je repars ... le dernier et plus tard un groupe de coureurs du coin me rattraperont et discuteront à tour de rôle avec moi. D'ailleurs à un moment comme ils trottent tranquillement et que je n'arrive plus à suivre, je constate une fringale et je mange deux barres après plusieurs minutes à marcher l'énergie revient et je repars à trottiner et je les distance quand ils s'arrêtent pour discuter avec des bénévoles.
A un moment, le coureur qui me précédait revient vers moi, il s'est aperçu qu'il s'est trompé et m'encourage à rebrousser chemin car il n'a pas vu de rubalise depuis longtemps, nous marchons prudemment en revenant sur nos pas et nous finissons par découvrir l'endroit où il fallait tourner. Merci de m'avoir éviter de faire des centaines de mètres en plus.
Le groupe des serre-files est d'accord avec nous, c'est bien le bon chemin.
Comme j'arrive à trouver une allure correcte sur les parties roulantes je ne suis plus dernier et me sens bien et pense que mon camarade de course est lui de plus en plus mal quand je me retourne et ne le vois plus. A un moment je ne comprend plus très bien, je me fais doubler par d'autres trailers et leur dit que je croyais être avant dernier. Ils me disent qu'en fait ils se sont perdus et ont fait des kilomètres en plus. 

Midi, Le 24 heures de Rennes est à son début, cela fait deux heures que Titi est en course alors que je mange un sandwiche préparé à la maison avec une thoïonnade "Délices du Lubéron", un autre trailer qui s'est perdu me dépasse. Cela ne fait que 7 heures de course et je ne commence quand même pas à délirer, c'est un peu tôt, en général c'est dans la deuxième nuit de veille que j'hallucine. Bon le gars est bien réel et il me souhaite un bon sandwich, en fait j'avais testé les Délices du Lubéron, c'est extrêmement bon voire Ultra bon.
Nous ne sommes pas loin à priori de Plouay. Il y a des fois où j'aimerais avoir un GPS juste pour savoir mais je sais que de toutes façons ça ne me fait pas avancer plus vite et qu'il faut de toutes façons ne pas traîner et aller le plus vite possible sans se crâmer.
Alors que je trouve que c'est interminable, je rattrape le trailer "perdu-retrouvé" et il me dit qu'il n'a jamais été aussi mal en course avec des mauvaises sensations et qu'il s'arrête à Plouay, là dessus, un crachin s'invite et ajoute une dose de blues alors je me retape une séance "scratch bâtons, zip veste-sac, zip-sac, sortie veste gore-tex, zip sac, zip veste-sac, zip veste gore-tex, scratches et course.
Le bitume dans Plouay n'est pas si désagréable car c'est quand même l'annonce de la grosse pause.
J'arrive dans les temps prévus, je récupère mon sac, je me sèche, je me change, haut manches longues sec, du bonheur, ré-application de crème anti-frottement, échange pour un boxer en lycra sec, du bonheur, shorty sec, massage des quadris avec de l'huile à l'arnica, soupe, sourires des bénévoles tout ça s'est bien l'ambiance de l'ultra-trail et je m'y attarde, je prends deux bols de soupe, deux sandwiches jambon beurre, je re-consulte le roadbook, on me demande si je repars et je confirme alors ils ont l'air de m'attendre tout en me disant de ne pas me précipiter. 
Le prochain ravito en eau est à 20,7kms alors je charge ma poche avec 1,5 litres et en comptant ce que j'ai mangé en barre, je m'aperçois qu'il y bien assez dans mon sac. (barres de pâte d'amande et barres de pâte de fruit).
Quand je quitte le ravito de Plouay, mes muscles sont complètement raides, c'est dur de trottiner. Deux coureurs de l'organisation me rattrapent et ils enlèvent les rubalises, heureusement qu'ils sont là car à un moment je manque de me tromper de direction. Ensuite ils vont passer en revue toutes sortes de sujets de discussion, cela passe par de la course à pied, du bricolage, des nouvelles des amis, ils me donnent des informations sur les endroits qu'on traverse et c'est tantôt très agréable et tantôt j'aimerais être seul pour ne plus rien entendre et m'échapper mentalement comme je le fais quand je suis dans le dur.

Là, grâce ou à cause à mes quadris je commence à me dire que cela ressemble à de la souffrance.

En effet, après une heure où il m'a fallu attendre que mes muscles ne soient plus raides, je trouve un rythme de croisière et je trottine là où c'est possible et je marche dans les montées aidé de mes bâtons.
A un moment, nous passons sur l'autre rive du Scorff au moulin du Stang, est écrit sur un panneau "bienvenue en Pen ar Bed", je m'arrête et m'assois sur un rocher et consulte le roadbook, je suis dépité, je constate qu'il me reste 40 minutes pour attendre les rochers du Diables le prochain point d'élimination et il est à 10 kms alors qu'un rapide calcul me donne à peine du 6,5 km/h depuis Plouay. 

Mes compagnons qui débalisent, s'appellent Didier et André, le BUT demande en gros 150 bénévoles qui viennent des différentes organisations des courses du challenge armor-argoat. Didier qui lui est en récupération d'un raid en Egypte est bien lucide et me dit que je me trompe carrément de 2 heures. 

En fait il me reste 2 heures et 40 minutes avant la barrière des 18 heures.

Charlie n'avait pas d'hallucination mais au bout de 60 kms et 10 heures de course subissait une grosse fatigue avec incapacité de calculer correctement. Détail qui intéressera les utilisateurs de cardiofréquencemètre, pendant longtemps la ceinture émetteur était tombée au niveau du nombril et les indications étaient bien sûr complètement fausses. Après réajustement de la ceinture, la seule constatation était que les pulses ne montaient pas car le vrai frein était la fatigue musculaire. Les quadriceps étaient "détruits".

Le long du Scorff, c'était un peu boueux et cela glisse mais comparé à ce que j'avais vécu dans la forêt de Bélouve en Octobre c'est de la blague, en plus je me rattrape avec les bâtons, pas une seule fois je ne mettrai mon nez ou mes fesses dans la boue. 

En quittant les bords de la rivière, c'est très souvent en montée. Il ne reste que quelques kilomètres quand nous arrivons au village de Saint Eloi. Là il y a une portion roulante avec bitume mais le coeur n'y est plus, je n'arrive même plus à trottiner. Encore des considérations arithmétique et c'est simple, la barrière de la course est calculée avec une moyenne de finale de 6,2 km/h, pour l'heure si je ne fais que du 3km/h car je n'avance plus qu'en marchant, cela ne le fera pas. C'est fini dans ma tête, c'est fini dans mes jambes, je dis à mes compagnons que c'est décidé, j'arrête, bien sûr je passerai au prochain contrôle mais pas au suivant qui est 10km après mais seulement à 1 heure c'est à dire 19h00. Maintenant que j'y repense, j'ai dû faire des erreurs de calcul. De toutes façons, je n'avance plus qu'en marche très lente.
Didier et André se concertent, ils téléphonent aux bénévoles aux Rochers du Diable pour avertir qu'un serre-file peut partir chercher celui qui est maintenant le dernier de la course.
André qui est un amoureux de cette Bretagne de l'argoat me dit que nous allons voir un endroit magnifique et que cela vaut le coup de faire un dernier effort pour le savourer. Bien sûr je lui fais confiance et même si j'y vais en marchant nous y arriverons bien et il n'y a plus question de délai.
Merci encore André et Didier de votre gentillesse d'avoir partagé mes derniers kilomètres et de m'avoir raconté votre Bretagne de l'intérieur. Merci pour m'avoir proposé de descendre voir les Rochers du Diable.

Samedi Après Midi, tout doucement, j'ai commencé la récupération et j'ai regardé ce que faisait Titi sur le 24 heures.
J'ai eu un  moment de déception mais cela a été très court, avec mes amis jeanlou et patrice qui a terminé le BUT version courte (62 kms quand même et des bosses aussi) nous avons attendu Thierry qui terminait dans la nuit. Il a parcouru les 115kms et les plus de 2000D+ et 2000D- en 19h30.
Le BUT est magnifique, il se respecte et se mérite. A vari dire, j'ai manqué de respect en ne préparant pas assez le côté spécifique trail long et je ne le méritais pas.

Pour terminer ce Week End avec une note sympathique, à mon réveil dimanche, j'ai constaté que Titi tenait le coup et était en tête de la course. Les graphiques ci-dessous correspondent aux classements de ceux qui seront sur le podium, Christophe Laborie, Jean-François Haruis et Titi Dehais et aux allures heure par heure. Titi a lui aussi eu des pannes de cardiofréquencemètre, il en a essayé deux et ce qui compte c'est qu'il a bien mémorisé les allures et il n'est pas parti comme un fou et comme il avait des soucis au départ, il n'a stabilisé qu'après deux heures de course. Son allure a baissé, mais comparé à tous les autres partis devant lui cela a été moindre et cela lui a permis de gagner et de faire une belle marque de 228km pour son premier 24 heures. Sachez que ce sont ses jambes qui ont tourné mais dans son coeur, il y avait le petit Célestin (association mille et un sourires).