jeudi 11 octobre 2012

pourquoi cours tu un ultra ?

Ces deux week-ends ont été riches en divers aspects, j’ai encore appris et je vais me questionner encore longtemps sans doute, sur le plan des rapports humains surtout, sur la connaissance des possibilités de chacun, sur la compétition en général, sur l’humilité des coureurs d'ultra, sur la simplicité des circadiens.
D'abord, remettons dans l'ordre des souvenirs et des émotions qui sont loin de la raison et qui amènent à la confusion, parce que l'émotion me submerge.
Si on osait me poser la question : « pourquoi cours tu ? » voici ce que je pourrais rétorquer : « pourquoi respires tu, pourquoi manges tu , pourquoi bois tu ? » . Si j'avais un peu de temps avant d'écrire l'article que je vous inflige actuellement, je pourrais lire et essayer de comprendre les philosophes sur lesquels s'appuie le livre Courir de Guillaume Le Blanc; mon corps et mon esprit sont-ils bien distincts d'après Descartes. Les circadiens, c'est à dire ceux qui font des tours d'horloge sont pour certains contre la raison puisqu'ils sont des ultra-coureurs, des coureurs qui ont dépassé les bornes, d'autres sont cartésiens en référence à cogito ergo sum, c'est leur esprit qui commande à leur corps et cela avec méticulosité allant jusqu'à doser ce qu'ils ingèrent en liquides et en solides avec contrôle permanent de leur masse corporelle grâce à un pèse-personne portatif. Le coureur n'est pas du tout un imitateur des philosophes grecs qui marchaient, en tous cas le coureur d'ultras n'est pas épicurien recherchant l'ataraxie, l'absence de souffrance. Courir très longtemps ça fait souvent mal.

Pour ma part, je ne me considère pas comme ultra-coureur autre terme pas du tout utilisé mais synonyme, outre-coureur, il y a sans doute un dédain des outre-mangeurs ceux qui mangent trop et une vénération des outre-coureurs, mais il doit y avoir une confusion, il y a outre-coureur c'est à dire ultra-coureur et coureur d'ultras. Il y a beaucoup et trop voire beaucoup trop mais les limites sont personnelles. En Ethiopie il y des des gens qui mangent peu et il y a des gens qui courent beaucoup, tout le temps mais je ne crois pas qu'ils courent trop.
Un sigle que je dois vous expliquer: ADDM Au Delà Du Marathon, c'est au départ un forum de coureurs d'ultra et ensuite c'est devenu la désignation de ceux qui fréquentent ce forum

Karim à Millau est devenu coureur d'ultra. Pour karim ça a commencé par le mythique 100km de Millau tellement bien relaté par des passionnés de course à pied que le lecteur-marathonien se pose très rapidement la question : « vais-je devenir centbornnard ? ou plutôt quand vais-je faire Millau ?» .

Premier weekend, pour le premier décor, nous avons un parcours dans l'Aveyron qui remonte au nord dans les gorges du Tarn, passe sous le merveilleux Viaduc autorise une halte, courte ou longue suivant la fatigue à St Affrique et revient au point de départ, les acteurs sont parmi des milliers de bipèdes, un futur centbornard et son accompagnateur à vélo, votre aimable conteur, pas compteur. Le parcours est une boucle qui s'étale sur une cinquantaine de kilomètres, doit-on avoir une réflexion et un ressenti sur l'espace, la distance ou le temps? vu du coureur la distance est fixe et pourtant la durée aidant, c'est surprenant comme pour l'un c'est loin l'arrivée, cela semble insurmontable et pour l'autre c'est bientôt fini. Le temps est élastique. Quand le temps est en plus à la pluie, le temps dure longtemps.

À 85 km on a parcouru plus de deux marathons, il ne reste que … c'est quand même interminable et le presque cent-bornard peut se poser la question d'arrêter. À Millau, c'est bien car quoi qu'il arrive, c'est un endroit au milieu de tout ou bien de nulle part, alors il faut rentrer coûte que coûte. Celui qui repart de St Affrique terminera son 100km.

Karim est parti prudemment, en regardant sa fréquence cardiaque, il était inquiet, les pulsations étaient bien au dessus de celles de l'entraînement et il courait moins vite. D'habitude, je ne suis pas à côté d'un athlète que j'entraîne et l'enregistrement de sa courbe de FC me sert après la course à voir ce qui s'est passé. En tant qu' accompagnateur à vélo, je l'ai réconforté en lui disant que la météo était sans doute responsable de sa FC anormale, j'ai apprécié d'avoir surtout en visuel, la foulée et la posture du coureur c'est cela qui me renseigne le plus, la respiration était tranquille, l'allure quand même inconfortable dans sa lenteur relative. 

Les commentaires à chaud de Karim peuvent être surprenants et les réponses aux questions aussi. Pendant la course j'ai été étonné de réflexions de Karim. En fait ce n'était pas des réflexions mais des phrases qui sortaient de sa bouche qui n'avaient aucun sens, d'ailleurs certaines étaient tellement « débiles » que je les ai sorties de ma mémoire. Ceci illustre le fait que le coureur d'ultra est , à partir d'un moment, en grande fatigue et son cerveau est réellement hors service. Je suis sûr qu'il a pratiquement le même corps mais je m'interroge sur son esprit. 

Le vélo que j'utilisais était lourd et j'avais beaucoup de mal à grimper les côtes, la vraie première bosse est celle de Creyssels en dessous du viaduc et je l'ai montée en marchant à côté du vélo. Après avoir rejoint Karim, j'ai bien entendu pris dans le panier soit de l'eau, soit une pâte de fruit pour la tendre afin qu'il ravitaille sans passer par les salles, c'est quand même un des rôles du suiveur que de ravitailler et donc de rester à côté du coureur. À un moment, sans s'en apercevoir, Karim m'a demandé de « dégager » et je me suis mis en arrière. Karim est un garçon charmant en général, quand il a décidé d'être dur avec quelqu'un, il ne se gêne pas pour utiliser des mots désagréables bien incisifs, là avec des mots très simples, il m'a momentanément blessé. Ma première leçon a été qu'il faut pardonner à quelqu'un qui court un ultra et qui est limite de passer outre-coureur.
Qu'est-ce que l'outre-mesure, qu'est-ce que le kilomètre de trop, qu'est-ce qui fait passer d'un état équilibré à la bigorexie, dit autrement y a t'il un ou des indicateurs à la surfatigue due à la course à pied. J'aime à penser qu'avec une méthode de réflexion, nous pouvons dans tous les domaines détecter la bigorexie, l'outrance maladive, l'addiction à la pratique sportive, dans notre cas la course à pied.

La difficulté pour moi-même est que je passe pas mal de temps à regarder, écouter analyser les entraînements de mes athlètes sans pour cela avoir un regard extérieur objectif sur ma propre pratique. Une des conséquences de mon auto-gérance en terme de course à pied est que je finis par être « bipolaire », il y a le côté toujours plus, toujours plus long, toujours plus dur, toujours plus loin dans l'envie de me surpasser puis quand l'objectif a été réussi c'est devenu rare ou raté, sans grosse déception, il y a le côté, "je m'en fiche",  sans objectif et je me dis que je ne ferai plus rien, ne rien faire pour moi c'est juste faire des footings. Il est aussi aisé de se cacher derrière son âge. Il n'y a pas d'age pour philosopher, il n'y a pas que ceux qui ne peuvent plus qui ne cherchent plus la performance et vous balance: « moi je cours pour le plaisir », il y a des jeunes qui aiment la sagesse sans pour autant être sage et il y a ceux qui courent "pour le plaisir", en réalité quelquefois sans plaisir et toujours sans performance. Mais a t-on besoin de performance ? On a besoin d'indicateur si on veut progresser, cela vaut pour l'entraîneur et pour l'athlète. Attention, on peut progresser sportivement au sens distance ou chronomètre ou résultat et aussi optionnellement progresser dans la beauté du geste, dans la justesse du mouvement et pour certains on peut progresser dans la façon de communiquer son art, la façon de se construire humainement et pas comme un cyborg, c'est à dire un homme augmenté tendant vers une machine.
Mon ami Karim a été assez compétitif, il s'entraînait dur et avait couru Berlin 2008 en 2h38 ravi et Berlin 2009 en 2h36 déçu et cela a été son dernier chrono «correct », il faut dire qu'il y a des barêmes qui donnent un niveau à une performance; à l'époque l'objectif était de 2h32 car c'est pour un garçon un classement N2 National 2, depuis cela a changé pour être N2 il faut courir le marathon en 2h20'00. 
Eh oui, c'est comme cela qu'un compétiteur se voit, il se voit à l'aune de ses performances, de son chrono ou de sa distance ou bien de ses places lors des compétitions. Cela m'interroge et à force d'assister à des championnats, j'avoue que je ne sais plus quels objectifs donner à mes athlètes, objectif relatif ou objectif personnel.
La compétition est d'après moi noble s'il s'agit pour l'athlète de donner le meilleur de lui-même et c'est personnellement qu'il doit avoir ses repères. S'il entre dans une logique de battre l'autre, c'est un combat, c'est "la guerre" et j'entends souvent les termes: « atomise, massacre, sois un killer et j'en passe ».
Karim, quel que soit son langage ne fait jamais référence aux autres compétiteurs, à Millau il s'est battu contre lui-même, il a découvert un autre monde. Millau est-il un passage initiatique ? En tous cas pour Karim, c'est là que j'ai eu la chance de le voir passer une porte, la patience aidant, il devra d'abord savourer et encore se remémorer cette merveilleuse allée dans le parc de la victoire précédée par des kilomètres à la bonne allure, avec les meilleures sensations entre Creyssels et Millau. Une course réussie ne tient pas au chronomètre mais au pur bonheur de courir pendant un moment en étant léger dans sa foulée, dans ses jambes et dans sa tête, il n'y a plus de distinction entre le corps et l'esprit et il n'y a même plus de Viaduc, de bitûme, le coureur ne se déplace pas sur un parcours, l'accompagnateur n'est plus à côté, il n'y a plus Millau d'un côté et le coureur de l'autre, il y a le bonheur, il est indescriptible il se vit. 
Quand ensuite, les jours deviennent « normaux » s'installe le « cent-bornes blues » il ne faut pas sombrer dans la frustration, on reprend une pelote magique, il faut tirer sur un bout de laine et au bout, il y a les moments de bonheur qui sont persistants. Toujours je demande aux athlètes de ne pas programmer une nouvelle course, il ne faut pas galvauder un moment très très fort en le faisant disparaître derrière un nouvel objectif. Une victoire sur soi-même est précieuse, je me la garde en moi, je la ressors pour le plaisir de la revivre. C'est comme mes enfants, certains ne sont plus physiquement à la maison si j'en ai envie, je ressors une autre pelote magique, moi je ne sais pas tricoter, je tire sur un bout de laine, je souris. Millau est magique je l'ai vécu aussi c'était presque hier.

De la persistance à vouloir courir quels que soient les ages
Il n'y a pas d'age pour philosopher, aimer la sagesse il n'y a pas d'age pour aimer courir; un très grand marathonien m'a dit un jour: "plus tard mes records seront battus, personne ne se rappellera que j'étais le plus rapide et je continuerai à courir tant que je pourrais. J'ai un ami très agé qui court toujours"

De la relativité de la vitesse
Un ami ancien international de marathon à peine plus jeune que moi m'a dit: « charlie, nous ne courons plus aussi vite qu'il y a des années mais ce qui compte c'est de toujours avoir le même plaisir de courir avec les mêmes sensations »

Deuxième week-end, deuxième décor et deuxième équipe. Ci-dessous, je pose avec mon ami Titi, vétéran 2 sur le papier, coach lui-même et pourtant  j'ai l'impression qu'il a les certitudes et les doutes d'un cadet quand il me parle.


Quand on passe du marathon au cent bornes puis aux 24 heures, de fait on est plus vieux, de fait on court moins vite par contre si on veut bien écouter, regarder, respirer, sentir, toucher alors on a les mêmes sensations, on peut courir vite à 16km/h et aussi à 10km/h. Mon dernier kilomètre à Chavagne en 2007, je me sentais comme au sprint d'un cross, à Vierzon ce dimanche juste avant 11h, c'était aussi grisant de courir vite après 24 heures sur le circuit.

Les photos qui suivent sont offertes par claude Marchand, cloclo sur le forum ADDM
Tout s'est passé sur une boucle de 1028 mètres, tout s'est passé en 24 heures et il y a eu énormément de kilomètres parcourus et surtout énormément de partage et d'émotions.
Pour ne pas vous induire en horreur, pardon en erreur, je vous signale que j'ai couru un ultra ce weekend, un 24 heures est bien un ultra, mais je n'ai pas été ultra-coureur et je n'ai pas couru 24 heures.

Détail, j'ai pris le départ de la course le 6 octobre à 11h00 et j'ai couru le matin du 7 octobre jusqu'au coup de pistolet final à 11h00, donc j'étais bien là 24 heures mais il y a eu des très très longues pauses ce qui n'a pas été le cas pour les champions et championnes qui ont tourné tout le temps des 24 heures.

Thierry Dehais alias Titi, s'était entraîné très dur! Avec sa victoire au 24 heures de Rennes, il nourrissait une grande ambition, la marque IB International B c'est 240 kms et IA c'est 250kms. C'est à la fin de la foire qu'on compte les ... C'est à la fin des 24 heures qu'on sait combien on a fait de kilomètres, la règle est simple, prendre le départ, courir et éventuellement marcher pour faire des tours et des tours, être là à la fin  et ... c'est tout. Certains partent vite et finissent au ralenti, d'autres sont très réguliers et perdent très peu de vitesse à tel point que les autres ont l'impression de voir passer des avions.
Ma venue à Vierzon avait comme raison première assister Titi, prendre le départ avec lui, vérifier qu'il était sur le bon tempo avec le bon mental, le soutenir le temps qu'il fallait pour qu'il entre dans sa course serein et concentré ensuite sur la dernière heure, j'envisageais de tourner à la vitesse visée autour de 10km/h si possible.
Maud son épouse était au ravitaillement perso. Quand j'ai topé des temps intermédiaires et que j'ai vu que ses pulses étaient correctes bien qu'il constatait 10 de plus que la normale à la même allure, j'ai ralenti pour ne pas entrer dans le dur. J'étais complètement mouillé tellement je transpirais, j'ai utilisé 3 tenues différentes et elles étaient trempées, c'était désagréable à souhait.
L'ambiance en circadie est fantastique, dès que nous repérons des prénoms sur les dossards nous encourageons avec des allez jean-yves, allez stéphane allez fred allez stéphanie, en fait ce sont des dizaines de prénoms que nous apprenons très vite.
cloclo ci-dessus a alimenté le forum avec ses photos alors ça me donnait du baume au coeur. Merci pour ces clichés qui nous rappelleront encore longtemps ce moment de partage, de bonne humeur et de connivence.



Le temps est bien élastique car avec toutes les rencontres possibles et le tempo qui est suffisamment lent pour papoter, j'ai sympathisé avec Jean-pierre Tixier qui est dans le club où Karim est muté, après cinq années à progresser ensemble au sein de la JA Melesse, il continuera sous les couleurs de la Berrichonne de Châteauroux,  la ville où il a presque toujours vécu et où moi-même je suis né.  

Karim est passé à Vierzon qui est en fait dans le département voisin du sien.















Maurice Morard est une vielle connaissance rencontré sur ADDM mais aussi à Chavagnes en paillers en 2007 et à Barcelone, il avait l'ambition de monter sur le podium V3, les plus de 60 ans, et il a réussi pour le plaisir de tous ceux qui le connaissent. Titi est juste derrière Maurice sur la photo, ils ne sont pas à la même allure mais leurs regards montrent une concentration semblable. De temps en temps je faisais 500m pour contrôler l'allure de Titi, le système de comptage de l'organisation ne pouvait afficher sur écran les kilomètres parcourus. Titi était sans cesse dans le doute et ne savait pas combien il avait fait. Tout était possible car il tournait à 5'30 au kilo soit 10,9 km/h.


La pluie s'est invitée en fin d'après midi, comme j'étais venu sans objectif, vers 20 heures soit 9 heures de course j'ai fait une très très longue pause. 


Dans la nuit quand je suis allé prendre des nouvelles de Titi, il avait très mal au ventre et avait déjà vomi 2 fois. Il est allé se coucher, j'avais l'espoir qu'il repartirait après un peu de repos. Ca n'a pas été le cas, j'étais très déçu pour lui et ma philosophie de la vie, du respect des autres m'interdit de forcer un athlète à courir dans la douleur et m'interdit de hurler sur un coureur quel qu'il soit. 

 
Dans la nuit je suis allé plaisanter avec Pierre-andré et Noël qui alimentaient le suivi du 24 heures sur le site ADDM. Quelquefois j'avais envie de recourir mais je trouvais toujours une excuse pour ne pas sortir de la salle, il faut dire qu'on rigolait bien et quand les ADDM passaient devant la table c'était très sympa de les encourger. Manu tenait toujours les compteurs à jour et ravitaillait les gars et Chantal.

Quand le jour s'annonçait, je me suis dit que c'était l'heure de mon footing matinal alors en continuant de plaisanter, j'ai mis mon coupe-vent car il crachinait et j'ai fait des tours tantôt avec un garçon tantôt avec une fille. Je me suis bien mis en évidence à côté de Chantal au ravitaillement pour la photo. En fait, j'étais lucide mais presque sur un nuage tellement j'étais bien. 


Quand je m'arrêtais je demandais si quelqu'un avait besoin d'un coup de main et hop, je courais un ou deux tours pour que celui ou celle qui est dans le dur se mette en confort et ne gère pas le tempo car c'est moi qui le donnait quand je pouvais. Les façons de courir de chacun sont différentes. Certains coureurs ne sont pas en photos ci-dessous mais ils m'ont donné du plaisir à accepter que je courre à côté d'eux. Certains s'en souviennent d'autres pas, le temps d'une course nous avons été très proches, j'en aurais presque le circadien-blues.


Par exemple Renaud me demandait une allure et en fait il était capable d'aller plus vite alors je me suis mis à côté et essayer de voir qu'est-ce qui serait le mieux pour lui. Une allure lente est certes une assurance de ne pas se cramer mais trop lente et elle n'est plus rentable et contrariée. Aux dernières heures quand on sait qu'on a raté son objectif premier, il est peut-être bien de se mettre dans l'allure la plus fluide, c'est à dire celle qui vient naturellement.



Stéphanie qui a fait une superbe marque a été très régulière puisque j'ai tourné un peu à différentes heures à côté d'elle, elle était quasiment tout le temps à 7'30 au kilo, sans jamais marcher, nulle part, même pas dans la bosse. Je suis admiratif de cette régularité.


Chantal, difficile de la manquer, elle a toujours ce sourire, du début à la fin, on ne sait pas quand elle est dans le dur, elle dit que la course commence après la douzième heure,  la moyenne sur deux tours donnait la même chose que stéphanie puisque c'était du 15', cependant elle courait en 6'40, marchait dans la petite bosse vers les 650m et aussi vers les 450m.


Dans la dernière heure, fred a recouru à côté de sa soeur et son mari david, le tempo était bon, le classement ne pouvait plus changer, les écarts étaient faits, stéphanie avait 198km et finira avec 206km, j'ai quitté son groupe  et j'ai attendu Chantal en sachant qu'elle pouvait faire 200km en ne traînant pas (191km pointé à 23 heures mais sans doute 1km de plus pour passage juste après l'heure. Nous avons ensemble fait des derniers tours de folie, j'ai eu un coup de moins bien, j'ai accéléré pour prendre de l'avance et ravitailler, là Chantal m'a doublé pendant que je mangeais et je n'ai pas pu la rattraper, il ne restait qu'un tour et je l'ai attendue pour le sprint final, nous allions tellement vite que nous avons quasiment fait un tour de plus, sa marque finale est à 201 km 600.

Alors, à la question: "pourquoi cours tu un ultra ?" je réponds, je cours un ultra parce que je croyais être sage et ne plus le faire, j'ai couru à Vierzon dans un premier temps pour être présent et soutenir mon ami Titi, j'ai soutenu Karim qui courait son premier ultra à Millau. Je suis quelquefois entraîneur, quelquefois coureur, quelquefois marcheur, je ne suis pas un coach cassant, j'aime la vie, j'aime courir, j'aime le partage, j'ai aimé faire une boucle avec christian Dilmi sous le regard de ludovic, je n'ai pas couru 24 heures, j'ai participé aux 24 heures de Vierzon et c'était grandiose humainement, j'ai progressé peut-être philosophiquement, j'aime la sagesse et je ne suis pas sage, même sans courir on peut partager avec des circadiens tout en simplicité et le final avec Chantal était inoubliable.

mercredi 3 octobre 2012

Karim, Millau 2012, premier 100km


Notre ami Karim est connu aussi comme Zyend sur le forum ADDM Au Delà Du Marathon, c'est un endroit où à trop traîner, on devient un jour ou l'autre aspiré par l'ultra et Karim, Hakim, Zyend a fini par craquer, a demandé plusieurs fois à son coach de préparer et courir un 100km. Pour essayer, je trouve que Millau est pas mal vu qu'avec son profil ses généreuses montées et descentes il est impossible de battre des records alors on peut se focaliser sur autre chose que le chrono et savourer. Je me suis permis de recopier son CR qui me paraît bien court comparé aux 9 heures passées de Millau à Millau en passant par Le Rozier dans les gorges du Tarn et St Affrique.
  
Millau 2012. Premier 100 km.

C'est le premier "gros" objectif que j'ai préparé depuis mes aventures sur Marathon.
Je me retrouve sur la ligne de départ après un entrainement en plein cagnard 6j sur 7.
J'ai envie de faire un truc bien mais pour moi c'est l'inconnu, et faut le dire, bien qu'affûté je ne suis pas un poids plume non plus... :siffle:

Cette course, c'était que du bonheur, avec des bons moments, d'autres moins faciles, certains très difficiles avouons-le. J'étais préparé à tout, même la météo je m'étais préparé à ce qu'il fasse un temps de chiotte.
Je m'étais donc préparé à vraiment tout, sauf à en baver du 30ème au 50ème km. :boulet:

Le départ donné, je sens que le stress est là et le cardio monte déjà haut dans les tours. C'est mon 1er 100km, alors je me calme et je pars prudemment. La 1ère partie commence bien, Charlie me suit et me rassure sur ma foulée.
Je papotte avec un jeune qui fait aussi son 1er 100km qu'il veut finir en 10/11h...je lui dis qu'il est en avance mais il me double et part bille en tête.
Un autre gars tout en noir accompagné de sa nana avance au même rythme que moi, une foulée dure qui tape sévère du talon "plac plac plac"...je me dis qu'il va avoir drôlement mal aux jambes plus tard.
Il vise aussi 10h-11h, alors qu'il est sur des bases à 8h45/09h00, sagesse quand tu nous tiens :chinois:

Les km défilent, mais y a un truc qui cloche, j'arrive au 30ème pas frais. En clair, j'ai mal aux cannes.
Je ne comprends pas, j'ai jamais eu ces sensations à l'entrainement. J'ai mal dans le haut des cuisses, j'ai mal sur l'intérieur du genou, côté souffle ce n'est pas fluide.

Je panique. On arrive sur Millau pour boucler le Marathon, je sens que Charlie perçoit mon malaise, il y a un truc qui cloche. Plus tard, je comprendrai que mon excès de prudence m'a poussé à lever le pied, adopter une allure trop lente qui n'a jamais été travaillée à l'entrainement.

On arrive près du Parc de la Victoire, le bruit me casse la tête...Un petit bisou à ma chérie mais j'ai du mal à repartir. Je m'arrête au ravito quelques secondes le temps de boire un peu de gazeux.

Mon camarade de course tout en noir me dit que maintenant il continue à 10 km/h, j'ai envie de lui dire que c'est trop tard pour lui, qu'il a déjà bouffé tout son carburant, mais c'est pas mes oignons et moi même j'en mène pas large...

Toutefois il explosera en plein vol plus tard et finira hélas à 6.5km/h :pleurer:
C'est laborieux de repartir, mais enfin on sort de Millau et l'ambiance est plus calme.

Vite fait on arrive au pied de la 1ère côte. Je commence à la grimper tout doucement, mais elle fait mal.
Je m'autorise à marcher à grandes enjambées alors que je me fais doubler à droite et à gauche, je sens que ça m'échappe. J'hésite à aller plus loin.

On passe le 50ème, je m'efforce de sourire au photographe. J'attends impatiemment la côte de Tiergues mais Charlie me dit qu'il y a encore pas mal de km avant.
Le faux plat jusqu'à St Rome est usant, il y a 3 coureurs devant moi, à peine 50m, mais ils me paraissent loin les bougres. Le temps se gâte et je suis à 2 doigts de craquer.

D'un seul coup, BLAM, il se met à flotter et c'est peut-être la meilleure chose qui me soit arrivé. Certains coureurs s'affolent un peu et s'évertuent à sortir k-way, coupe-vent, écharpes et essuie-glaces
Je remets ma casquette à l'endroit et part en tête en relançant l'allure. Je passe en mode crossman, dur au mal, avançant sans discontinuer.
Je décide de ne plus m'inquiéter pour le cardio, et si je pète en vol, ben ça fera un chouette feu d'artifice.

ENFIN ! Tiergues se présente, Charlie me dit:" ça y est, ça commence, je te retrouve dans la descente vers St-Affrique" (St-Aff pour les intimes).
J'avale la côte comme un Ti-punch, c'est à dire d'un trait, en savourant et en exultant. Sans marcher et en prenant soin de prendre les lacets bien à l'extérieur, déjà je remonte des coureurs mal en point.

La descente vers Saint-Affrique est raide, bien raide. Charlie me rattrape en vélo et j'avale un coup de flotte et une pâte de fruits. J'y vais à bonne allure et m'assure à ce que mon talon touche le moins possible le sol (merci la PPS). Ca le fait, mais la plante des pieds en prends plein la gueule. En plus ça fait chouic-chouic à cause de la flotte.
Arrivé à St-Affrique, je repars illico après m'être fait pointer. Je n'ai qu'une hâte, me retrouver à Tiergues et revenir à la maison.

Je remonte la côte avec la même détermination, la tête dans le guidon, pas question de faiblir.
Je remonte une bonne quinzaine de coureurs. J'échange quelques mots avec V. Toumazou, dont les billets sur Millau m'ont vraiment fait rêver, et continue de plus belle.
Arrivé à Tiergues, ce n'est que du bonheur. Je m'autorise à penser que la course c'est "in the pocket". Et là je redescends, sans réduire l'allure. Juste en faisant attention à bien dérouler.
Quelques débuts de crampes bordel m'obligent de temps à temps à ralentir l'allure quelques mètres en tendant bien la jambe droite...je reste vigilant mais je ne panique pas.

Physiquement, je suis heureux comme tout. J'ai mal nulle part, plus de bobos aux jambes, plus de bobos à la tête, la pluie, les bosses, c'est que du bonheur...on dirait un cross sans la boue, bref, je rentre chez moi.

Je m'attends à voir le panneau 85km, mais j'en suis en fait qu'au 80ème. Je redoutais un peu cette partie, Charlie m'avait prévenu que ça serait long du 80èm e au 90ème.
Mais je laisse filer, croise tous les coureurs qui m'encouragent, je les encouragerai (presque) toutes et tous sans exception...Ainsi que les suiveurs et suiveuses pour qui ça n'a pas dû être toujours simples.

Vite, très vite le 90ème km s'annonce. Ça sera juste, très juste pour passer sous les 9h, mais je ne cherche pas à faire le con maintenant. J'appréhende beaucoup le retour à Creisseils, heureusement Charlie me rattrape enfin. Parce que même si j'ai mal nulle part, je commence à être fatigué nerveusement.
Je gère encore quelques crampes en écourtant la foulée et en marchant à grandes enjambées bien étirées.

Charlie m'annonce encore 5km, c'est le moment. Je déroule, c'est presque plat, je retrouve ma vraie foulée de l'entrainement, en-effet, ça n'a rien à voir avec le début de la course. Je n'arrive plus à repérer les flèches jaunes, la circulation n'est pas super bien gérée lorsque je passe, c'est Charlie qui m'ouvre la route.
Km 99, c'est dans la poche, Charlie qui me gueule dessus, me dit de profiter, de savourer, de mémoriser cette allure, l'entrée sur le Parc de la Victoire, l'arrivée en faux plat.
Km 100.
Finished.
26ème.



09h01.
Enfin, j'ai vraiment mal aux cannes.


Je suis partagé sur la gestion de ma première partie. Partir trop prudemment, trop lentement m'a causé quelques soucis. J'ai appris un autre truc aussi, avec des pâtes de fruits, du coca de la saint-yorre et de l'eau plate, ben ça passe tranquille sans problèmes gastriques.

C'était une aventure sportive et humaine vraiment exceptionnelle. Pour moi ce n'est pas une course mythique qu'il faut faire une fois et la mettre sur son CV, c'est avant tout une épreuve exigeante que j'aurai plaisir à refaire tant pour la performance que pour les sensations.

En bon crossman/marathonien je me suis vraiment bien éclaté !

Z.