vendredi 4 octobre 2013

Ludo, Karim, Anne-Cé et tant d'autres aux 100kms de Millau

Quand on a couru un 100km, on devient cent-bornard. Commencer par le 100km de Millau, c’est s’assurer qu’on sera acclamé dans le parc de la victoire deux fois. Ca donne envie de recommencer. C’est dans le marathon que se perd la course et c’est peut-être dans la montée de Tiergues que Millau se gagne

Massy, dimanche 29 septembre 2013,

Depuis ce matin, nous avons quitté notre chalet sur la colline bordant les rives du Tarn et nous avons roulé vers le nord. Mon compagnon de route m’a laissé en fin d'après-midi à la gare de Massy.  Cela beau être un dimanche, le hall est bondé, je me vois arriver et me comparer à ces autres voyageurs, certains en kaki, d’autres en jeans et vêtements passe-partout ont quand même un ou deux sacs aux couleurs militaires alors que moi je suis avec un gros sac que je porte dans le dos alors que mon sac à dos qui contient mon ordinateur est porté sur le ventre. A comparer nos postures, il n’y a guère de différence, à regarder nos chevelures, ils ont la coupe avec des cheveux très courts, les miens diffèrent par leur longueur et surtout par cette expression qui évite de me classifier chez les vieux, cheveux poivre et sel. Qu’importe, ils sont jeunes, ils sont dans la force de l’age et moi j’aime me considérer comme sage et heureux. Quel magnifique week-end  ! Le hall est bien trop bruyant pour que je m’installe mentalement confortablement et me délecte de quelques chapitres d’un livre que je viens d’entamer. En fait, il y a très longtemps j’avais arrêté la lecture en plein milieu de l’œuvre la plus connue de Gabriel Garcia Marquez, il s’est passé trop de décennies pour que je reprenne où j’en étais et j’ai décidé, la patience plus grande m’ayant été accordée de recommencer et de me délecter à l’avance de retrouver ce village où des générations se succèdent et écrivent leur histoire avec ou sans un grand H. Mon train est annoncé avec quinze minutes de retard, le temps, la référence au passé et au futur m’appellent sans cesse à considérer l’instant présent et le savourer au lieu de faire des plans et d’espérer ou de me lamenter en me disant qu’il y a eu dans le passé de bons moments, cela ne m’empêche jamais de penser à celle que j’aime. En tous cas, la rêverie dans cet endroit qui n’a rien de chaleureux, me fait presque oublier qu’il me faut atteindre le bon quai car si je ratais ce TGV ce ne serait plus quinze minutes de retard que j’aurais mais sans doute la certitude d’une soirée, voire d’une nuit de galère pour remonter à Paris, trouver une place dans le dernier train ou pire attendre le premier du matin entre Montparnasse et Rennes. Une petite fille regarde vers moi, j’en suis étonné, elle parle à peine et se déplace comme un château branlant, elle est adorable, une femme qui doit être sa tante s’adresse à celle qui doit être la mère en lui disant que la petite est en train de partir se promener. Le regard de la petite est en fait dirigé derrière moi et elle se met à accélérer dans ma direction, me contourne, elle essaie d’attraper un pigeon entré dans le hall pour s’abriter d’une pluie torrentielle. La pluie et l’orage nous ont réveillés dans la nuit de samedi à dimanche et heureusement nous étions rentrés. Nous, c’est Karim, sa femme Céline, Antoine un ami du couple et moi. Karim, mon coureur, celui que je pourrais appeler mon poulain nous a gratifiés d’une course magnifique, je ne retiendrais que celle-ci avec le cortège de plaisirs, de bonheur, de manifestation d’admiration du public, des autres coureurs et de leurs supporters.

Oups, alors que j’avais plus d’une heure à tuer, je vais finir par être obligé de courir pour trouver le bon quai. Bon ok, un dernier coup d’œil aux divers réseaux sociaux. Que vois-je  ? ce dimanche à Berlin, un marathonien kényan, Wilson Kipsang, a établi un nouveau record du monde. Bien, me dis-je, après Hailé en 2007, puis Hailé en 2008, il y a eu Pascal Makau en 2011, donc quatre fois à Berlin en six ans, ça devient presque banal et de la non information. Ce n’est pas sympathique pour ce coureur  ; à une autre époque Wilson aurait suscité l’admiration de beaucoup de passionnés de course à pied, moi-même j’ai été un grand fan de Haïlé pour tous ses titres olympiques et mondiaux pour tous ses records sur piste puis sur marathon.

Le marathon de Berlin sort de ma tête, je retourne à la réalité, je suis dans une gare et je vais prendre mon TGV pour rentrer à la maison. De toutes façons, je me déplace doucement parce que je n’ai pas les moyens ni l’envie d’aller plus vite, j’ai mes deux sacs, le dorsal et le ventral et encore une fois, je me remets à me dissocier de l’environnement. Mon pied droit ne me fait pas mal, je rêve que bientôt je pourrais recourir un simple footing et de temps en temps je pourrais aussi courir avec mes athlètes pendant leur échauffement, eux seront au ralenti, moi, je serai à fond mais heureux de tout simplement partager la dernière discussion, les dernières nouvelles qui nous passent par la tête. Pour le moment, je suis lent, l’annonce de mon TGV est réitérée, il partira du quai numéro trois avec quinze minutes de retard. Ce n’est rien. Hier le retard de mon poulain par rapport à celui devant lui n’était que de dix minutes, par contre s’il voulait monter sur le podium, il était à vingt trois minutes. C’est beaucoup et c’est peu. Quand on rate un train la moindre minute c’est gênant, certains prennent cela comme une catastrophe, là sur les 100kms de Millau, vingt trois minutes c’est beaucoup et c’est peu quand on sait que le dernier qui aura pris la pluie d’orage aura bouclé le parcours en à peu près 24 heures soit 16 heures de plus que mon poulain. La différence énorme tient en ce que moi qui ait accompagné à vélo, j’ai passé une belle journée de course et nous avons fêté cela dans la soirée et nous avons dormi comme des bienheureux dans un bon lit. Les coureurs noctambules n’ont même pas vu les étoiles , le ciel était couvert toute la journée et la nuit les nuages ont déchargé tout ce qu’ils avaient en eau. A mes athlètes qui viennent de réaliser une belle performance, je dis toujours de savourer de ne pas passer à autre chose précipitamment; toute la préparation et sa concrétisation dans une belle course méritent qu’on s’attarde, qu’on se repose, qu’on se bichonne, qu’on prenne plaisir et le futur avec des nouveaux projets ou objectifs attendront.

Le train arrive, stoppe, je dois me bouger et m’approcher de la porte de ma voiture et grimper, ensuite poser mon gros sac et garder avec moi celui de l’ordinateur. Quel bonheur que de s’asseoir, se placer confortablement et déconnecter les appareils portables, il y a des voyages lointains en avion avec des heures sans le réseau et il y a ces multiples déplacements entre Paris et Rennes qui donnent cette merveilleuse occasion de voyager plusieurs fois, une fois sur les rails, c’est la rame qui bouge et une fois dans sa tête, c’est l’esprit qui parcourt des lignes droites, prend des virages et fait des boucles qui paraissent impossible.

Ferme tes yeux, savoure  !

Qu’est-ce que j’aime ces 100kms de Millau, qu’est-ce que j’ai aimé ce week-end, j’y ai vécu des successions de petits plaisirs, j’ai rencontré des connaissances dans le monde de l’ultra. Un club virtuel s’est monté il y a plusieurs années, il s’est concrétisé sous la forme d’un forum sur Internet et nous échangeons chacun à son rythme, nous nous voyons sur les courses d’ultra. La dénomination est “  Au Delà Du Marathon  ” ce qui donne l’acronyme ADDM. Comme dans la vie de tous les jours, il y a toutes sortes de tempéraments et toutes sortes de caractères, des coureurs adorables et des provocateurs juste irritants ou bien affreusement détestables. Il y a des coureurs et des entraîneurs d’excellent niveau, ce ne sont pas ceux-là qui contribuent le plus à la cacophonie, au règne du “  n’importe peut prétendre détenir la vérité vraie  ”. Certains n’écrivent pratiquement jamais, d’autres passent leur temps à faire la liste exhaustive de tout ce qu’ils ont ingéré et pas toujours digérés, ce sont aussi bien des kilomètres, des dénivelées ou bien des nutriments solides ou liquides divers et variés. Ce sont un peu mes amis, enfin plus que les amis des réseaux sociaux, j’ai du plaisir à les rencontrer et boire un coup en vrai, pas de façon virtuelle à travers un clavier ou via des émoticônes.

Ce dimanche 29 septembre, c’était le record du monde du marathon mais pour nous le 28 et le 29 c’était la fête. Il y avait le jeune cent-bornard qui n’a eu comme cadeau pour sa cinquième place qu’une simple serviette éponge et tous, du premier au dernier auront cette seule récompense matérielle, sur les marathons internationaux, il y a une grille de prix qui peut apporter à un champion plusieurs centaines de milliers d’euros et même un ou deux millions de dollars; sur la belle classique Millavoise qui nécessite des mois d’entraînements, le premier ne gagne rien et la première la même chose agrémenté d’un bouquet de fleurs. Tous ont gagné le plaisir de l’avoir courue une fois ou plusieurs fois, souvent ils décident de revenir.
Quand Karim que depuis son enfance, certains appellent Hakim, m’avait demandé de l’amener sur cent-bornes, je lui avais conseillé de choisir Millau car si jamais il n’en ferait qu’un ce serait celui que beaucoup trouvent magique.

Hakim est un coureur de caractère, il sait ce qu’il veut, il se fixe des objectifs, il ne veut avoir aucun regret, il fait ce qu’il croit être le mieux pour réussir. Depuis sept années, Il m’a choisi comme coach et entraîneur, il me questionne et il donne son avis  ; quand après argumentation, il comprend ce que veut son entraîneur, il est content quand est intègrée sa façon de voir telle ou telle séance. Ensuite Karim est intégralement concentré sur la réalisation de chacune des séances de qualité qui sont planifiées. Il fait ce qui a été décidé par le coach.

Hakim était concentré les jours avant la course et il en était malade, la veille après le retrait de son dossard après avoir mangé toujours le même repas fait de pâtes qu’il a cuites lui-même pour être sûr qu’elles sont Al Dente mais Al Dente de chez Hakim, après avoir bu de l’eau plate et de l’eau gazeuse, pas n’importe laquelle, celle qui est la plus chargée en minéraux, Hakim avait été dérangé et s’était réveillé dans la nuit et avait même réussi, après un de ses nombreux passages aux toilettes à se tromper de chambre, il s’en est fallu de peu qu’il se couche dans mon lit où celui d’Antoine. Antoine et moi sommes ses accompagnateurs vélo et Karim prend sur lui pour ne pas être désagréable avec nous, comme nous sommes en quelque sorte ses modérateurs, Céline la femme de Karim, elle, bien entendue est la première des supportrices et c’est donc un pléonasme, Céline supporte Hakim et ce, depuis de nombreuses années.


Le départ des 100kms de Millau est donné au parc de la victoire. Ce samedi matin, avec Antoine, nous y sommes allés tranquillement sur nos VTT, Céline et Hakim y sont allés en voiture, bien longtemps avant l’heure de départ pour ne pas stresser. Raté, Hakim est plus stressé que jamais. Pendant que je serre des mains, que je fais la bise à de nombreuses personnes bien souriantes et décontractées venues de partout et beaucoup de Bretagne, Hakim se met en quête de toilettes.

Pour ne pas lui ajouter de la pression, je ne lui dis rien, je ne sais s’il faut dire n’importe quoi, lui raconter une blague pour le décontracter ou bien se taire. Après le coup de pistolet, plus rien n’aura d’importance à part ses sensations, et la sérénité s’installera ou bien je lui vrillerais la tête et pendant qu’il fera sa plus belle foulée déroulante et économique, je le saoulerai et il ne pourra même plus réfléchir.

Je signale à Hakim que nous partons avec les autres accompagnateurs bretons que j’ai rencontrés pour le point de ralliement vélos-coureurs à Aguessac à 6km au nord sur la rive droite du Tarn.

L’année dernière, sur place, j’étais resté très longtemps et cette année j’ai décidé d’y aller tout doucement. C’est tellement lent que je ne fais même pas d’effort alors je m’arrête pour mettre un coupe-vent, il fait un peu frisquet et il y a un petit vent. La météo a annoncé des grosses rafales pour l’après midi, sans doute que les chronos ne seront pas bons.
L’attente, cette année, s’est transformée en discussion entre coaches. Au début, je discutais avec Manu Fontaine qui attendait sa femme Anne-Cécile, Bruno Heubi nous a rejoints. Cette rencontre nous rappelait que nous étions à Millau sept ans auparavant. Bruno avait gagné l’édition de 2005 et il avait organisé et recruté une équipe de meneurs d’allure, c’était une première sur 100km. Nous nous rappelions cette édition très pluvieuse, Manu a dit  : “  15kms secs et 85 kms sous l’eau  ”. Sur cette édition, j’avais changé mes vêtements, mes chaussettes et mes chaussures qui faisaient sploc ploche au marathon à Millau, j’étais ressorti sec et ne l’étais resté que quelques secondes. Même scénario au soixante et onzième kilomètre et même punition, sploc ploche avant Saint Affrique, puis épongeage dans la salle, changement intégral pour le plaisir d’être sec, quelques minutes sans sploc et puis avant même la sortie de la ville, avant la montée vers Tiergues à nouveau complètement trempé.

Ce samedi, le ciel est gris, la température clémente, nous ne savons pas si Anne-Cécile en a fait trop ou non, on se dit que Ludo Dilmi est favori mais Hervé Seitz qui a fait troisième l’année dernière est aussi un prétendant à la victoire.

Le marathon et le 100kms démarrent en même temps, les premiers coureurs qui se pointent au bout de la ligne droite sont les marathoniens, très peu de temps après, nous distinguons les premiers cent-bornards avec leurs dossards qui ont une bande réfléchissante parce que beaucoup arriveront dans la nuit. Normalement dans ce groupe de tête, il y a peu de chance qu’il y en ait qui arrivent la nuit, je reconnais Ludo, je lui fais un signe et tout en courant tranquillement, il est dans le deuxième groupe, il me fait la remarque qu’il pensait me voir comme coureur, je lui explique que cela fait des mois que je suis blessé et que j’aurais adoré recourir ce 100kms.

Passent devant mes amis entraîneurs et moi, des marathoniens et des cent-bornards, pas plus de deux poignées et enfin mon athlète. A voir sa tête, il est clair qu’il n’est plus stressé, il est dans sa course, il me dit “  ça va  ”.
C’est le Karim rasséréné que je retrouve, celui avec lequel nous discutons de temps en temps de musique, des chanteurs et chanteuses qui lui font du bien. Sur mon vélo, je dois bien entendu me freiner pour rester dans l’allure du groupe de Karim. Par habitude, je demande sa fréquence cardiaque et j’ai l’assurance que c’est bien. Cela correspond à ce que nous connaissons de ces débuts de séance spécifique, je vais me positionner à la borne des 10kms pour toper sur ma montre au passage du groupe. Il y a une borne tous les 5 kms. Cela avance régulièrement, sans à-coup. Rapide calcul, le temps de ré-enfourcher mon vélo et de rejoindre les coureurs et j’annonce l’allure, le calcul était vite fait parce que le temps de passage correspondait aussi à une valeur constatée à l’entraînement. Toutes les valeurs moyennes d’allure et les fourchettes de fréquence cardiaque sont connues par cœur. Comme dans la musique, un bon 100km est couru au bon tempo. Dans le cadre d’un parcours complètement plat, il n’y a pratiquement qu’une seule allure du début jusqu’à la fin qui tient compte quand même de la fatigue avec pour objectif pour un champion d’être le plus stable possible, le plus longtemps possible. Dans le cas de Millau, Hakim aurait eu des doutes, c’était par exemple la première fois, il y a un an. Cette fois-ci, la partition, il la connaît bien, on ne peut jamais dire parfaitement, il va l’interpréter du mieux possible. Le travail quotidien du cent-bornard, c’est comme les gammes du musicien, Hakim a répété pendant des mois. La grande course qui lui a servi de répétition générale, il l’a consciencieusement réalisée, un départ dans le rythme puis la liberté d’aller à l’allure qu’il sentait. Millau peut être couru par des maniaques de l’arithmétique, Millau ne peut-être magique que si l’on est un artiste. Karim, parce qu’il a parcouru des centaines de kilomètres a fini par adopter la foulée qui sied à la musique de la première boucle. Millau doit être une oeuvre symphonique, cette symphonie aveyronnaise sera en trois mouvements.

En dehors de la course, nous avons en commun, Karim et moi, actuellement des soucis professionnels, avec des journées de travail sans passion et nous les subissons. Nous apprécions tous les deux Joan Baez, sa guitare et sa voix nous sortent momentanément de ce quotidien maussade. Pendant la préparation, j’ai souvent pris ma guitare le soir et je chantais la chanson Well Met, Well Met que Karim m’avait suggérée. La guitare est restée à Rennes, une autre fois je lui chanterai des chansons apaisantes ou bien du blues. Dans mes souvenirs de mon plus beau 100km, j’étais serein et c’était Mozart qui m’accompagnait. C’était un 100k plat et un concerto pour piano et orchestre se jouait dans ma tête.

Nous ne sommes qu’au début de Millau, Karim a l’air bien, autour de lui, il y a presque foule, avec des coureurs et des accompagnateurs. Voilà que je me dis que si j’étais à sa place, je m’énerverais. De fait, d’autres coureurs ont des postures qui ne me plaisent pas en tant qu’entraîneur, qu’elles ne soient pas belles, pas équilibrées, le buste et les épaules trop en avant, qu’ils soient bas, que les bras semblent raides, ce n’est gênant que pour l’esthète qui aime voir les foulées des plus grands demi-fondeurs mais que la respiration soit forte ou la pose de talon suggérant des coups de pilonneuse, cela nuit au premier mouvement de notre symphonie. Au milieu du groupe, Karim déroule sa foulée, la pose est légère, il est bien droit, c’est bien le tempo Adagio, ou bien Ruhig que Karim germaniste comprend mieux. La maman de Karim est professeur d’allemand. “  Ruhig  ” cela m’évoque paisible. Cela me plait. Le long du Tarn, ce ne sont que successions de faux plats, nous allons changer de rive, nous allions vers les gorges sur la rive droite et nous empruntons le pont pour attendre Le Rozier. C’est un bel endroit, Karim est dans sa bulle, il ne regarde pas. Connaissant bien ce passage, je préfère donner une consigne sachant que de toutes façons, Karim écoutera ses sensations et ne sortira pas du plan de course ou plus poétiquement il continuera la partition en Adagio ou bien Lento, soit Langsam en allemand, que je traduis en tranquille. Le Rozier était une incursion dans la Lozère, nous abordons Peyrelau en repassant dans l’Aveyron, mais le plus important, je vais descendre tous les rapports du vélo parce que la pente est la plus forte de toutes les pentes de la première boucle. “  Karim, tu sais que sur la patate qui est la première vraie patate de Millau, et qui est ici, tu as le droit de prendre quelques pulses mais ne vas pas trop haut car ça ne sert à rien, on va garder du jus pour la deuxième boucle  ” Comme prévu, Karim monte plus vite à pied que moi alors que je pédale du mieux que je peux. Encore une fois, je constate quand les coureurs me doublent que certains manquent de retenue, leur souffle haché reflète l’intensité de leur effort, c’est trop, trop tôt. Dans le Village, je rattrape le groupe de mon athlète et écoute les différents commentaires. A chaque fois c’est du même acabit. “  Sur le profil de la course ils n’avaient pas mis cette côte, elle est dure et pourtant …  Si mais c’était tout petit ” Parce que je connais la suite, je rigole sous cape, Karim se permet  : “  c’est rien par rapport à Creissels”. Quand Karim dit Creissels il pense à la montée au viaduc qui démarre à Raujolle. En effet, à Peyrelau, la pente est forte mais ce n’est que le temps d’un lacet de quelques centaines de mètres. Plus tard … dans à peu près deux heures, cela va durer plus longtemps et cela va faire mal au moral. Jusqu' à Millau, j'ai décidé de regarder l'allure et je recommence tous les cinq kilomètres le pointage. Malgré les bosses, l'allure générale est stable, un rapide calcul me donne un temps de passage au marathon en un peu plus de trois heures, cela confirme que nous ne sommes pas loin de le tête du 100km et aussi dans le même tempo que les bons marathoniens. Les postes de ravitaillement sont passés sans aucune pause, Antoine se charge de passer les bidons d’eaux pétillantes ou non, salées ou sucrées ou neutre et Karim est toujours dans le tempo. D'autres coureurs procèdent par à coups et je ne me permet pas de leur faire des commentaires, je glisse quand même quelques mots à Antoine pour qu'il saisisse, si ce n'est déjà fait, l'importance de l'accompagnateur, modérateur au début de la course. Pour avoir des nouvelles de la tête de course, j'accélère et profite de la descente qui se situe au trentième kilomètre et qui ira jusqu'à Millau-Plage en dessous de notre chalet. Alors que je rejoins Ludo qui est seul à l'entrée du village de Paulhe, je lui demande s'il a un suiveur. Ludo me dit qu'il en a et il me remercie. Sur le coup je ne comprends pas pourquoi il me remercie, après quand je continue ma descente à fond, je me poste à la prochaine borne, pose mon vélo et prends les temps de passage. En étant à l'arrêt, je constate qu'il y a du vent contre. Il n'est pas encore très fort mais il n'est pas l'ami du chronomètre. Comme j'ai vu passer la tête de course, je connais maintenant la position de Karim. Pour ne pas l'influencer je ne donne pas son classement provisoire et le rassure toujours lui annonçant que son allure est stable. Antoine qui connaît mon pronostic sur le passage au marathon s'inquiète un peu car il compare à ce qui s'est passé au précédent 100km où il était le seul accompagnateur à vélo. Il est rassuré quand je lui confie que ce qui compte c'est que du point de vue cardiaque tout est impeccable, après les montées, le cœur redescend rapidement dans les descentes ce qui montre qu'il n'y a pas eu dépassement de seuil, pas de passage dans la zone rouge. Karim discute avec un coureur qui l'accompagne depuis pratiquement le début et tous deux parle du vent qui est contre. Nous faisons tous la réflexion, qu'il sera dans le dos sur la fin du 100km même si nous savons que l'addition est plus grande que la soustraction. La performance chronométrique ne sera pas au rendez vous, il faut aussi se faire plaisir en se battant contre soi-même, la place devient plus importante pour la compétition en elle-même. Le retour sur Millau est tranquille, seul le passage à côté du chenil de la SPA met nos oreilles à contribution. Les coureurs se sont tus depuis un moment, les suiveurs étaient du coup respectueux du silence, les aboiements des chiens semblent avoir réveillé les langues de chacun. Nous croisons des joggeuses et c'est la blague éculée “  hé les filles, la course c'est dans l'autre sens, vous vous trompez  ”. Entre les ravitaillements et entre les villages il n'y a pratiquement personne, on ne voit que les compétiteurs et leurs accompagnateurs. De temps à autres, des motos nous dépassent, derrière le pilote on devine un officiel. Il y en a un que je verrai sans doute toute la journée, il fait aussi le pointage des premiers de la course à plusieurs endroits. Dans la tête de Karim, j'imagine “  céline, j'arrive  ”. Nous approchons de Millau-Plage, c'est plat, c'est dégagé et je devine que la femme de mon athlète s'est postée là pour l'encourager. C'est toujours sympathique de voir les visages radieux de ceux que nous connaissons. Cela fait trois heures que la course est partie et il reste soixante kilomètres à parcourir. Karim est costaud dans sa tête, souvent quand on passe à côté de son logement, on a envie de s'arrêter et d'aller se coucher. Pas mal d'histoires d'abandons sur marathon se passent quand le dernier tiers du parcours est proche de l'hôtel ou du camping de l'athlète.

Le parcours est plat, il emprunte la piste cyclable le long des nombreux campings de Millau-Plage. Aurélien est le coureur à côté de Karim que j'ai fini par découvrir en parlant non seulement course, cross et trail mais aussi judo, son accompagnateur est professeur de judo. C'est amusant car en me comptant cela donne quatre judokas et aussi quatre Berrichons. Aurélien est dans un club de course de Déols qui jouxte Châteauroux, et bien moi, je suis Castelroussin de naissance et c'est enfant que je me suis retrouvé en région parisienne et breton seulement depuis presque trente ans. Karim et Aurélien aborde le pont au dessus du Tarn pour rejoindre le centre de Millau. Encore une consigne annoncée bien fort “  Karim, ne change rien , ne fais pas monter les pulses, il y a un faux plat qui dure jusqu'au parc de la victoire et jusqu'au marathon, tu ne prends aucune pulse, c'est après, tu le sais, dans la montée de Creissels que là ton cœur va grimper.  ” A ce moment Karim et Aurélien sont sixième au classement. Karim baisse la tête, je ne vois que le dessus de sa casquette fétiche, lui seul a le droit de dire pourquoi et pour qui, il la porte. Karim reste concentré et ne réagit pas quand de nombreux coureurs se mettent à accélérer et le doublent. Il est normal que les marathoniens qui sont à un kilomètre et demi de leur fin de course jettent tout ce qui leur reste d'énergie. Par contre, je ne comprendrais jamais, et je l'ai vu tant de fois, quand le marathon approche, des cent-bornards accélèrent et sur la ligne topent leurs chronomètres. C'est ainsi, il se passe des choses “  stupides  ” mais certains n’y changeront rien.
Karim et Aurélien passent pratiquement ensemble au marathon, ils sont douze et treizième. Sur la première boucle j'avais prédit que beaucoup de ceux qui étaient devant Karim allaient chuter au classement général, c'était facile parce que déjà l'année dernière j'en avais vu qui avaient craqué dans la deuxième boucle et pris plus d’une heure. Si on ne considère que la vitesse, on peut constater des moyennes qui chutent, si l'on se place au niveau des battements du cœur, c'est une autre histoire.

Quand on travaille sur une œuvre musicale, le tempo est indiqué et pour avoir une référence, on prend un métronome et il nous donne les battements par minute, c'est de façon mathématique le moyen de placer correctement les tempos adagio, lento et autres presto ou prestissimo (Sehr Schnell), cela peut dépasser les 180 pulsations par minute. La symphonie de Karim va passer au deuxième mouvement. La fréquence de la foulée va osciller, le rythme cardiaque aussi. Le prochain pointage se fera à St Affrique, ce tronçon nous promet toutes sortes de tempo et nous croyons que la course va commencer réellement sur les deux grosses bosses. Il y a Creissels, une descente vers Raujolle, la montée vers le viaduc, plus tard, la montée vers Tiergues. Raujolle puis la terrible montée, mes cuisses s'en souviennent c'est là que coureur ou cycliste j'ai connu le plus grand découragement. Pourtant il y a le viaduc au dessus, on lève la tête, il est beau, il paraît inaccessible, on a mal, on s'arrête, on reprend son souffle et on repart parce qu'on n'a pas le choix. J'avais pris de l'avance car je savais que mon ascension serait bien plus lente que celle de Karim. Avant même la moitié de la montée, je crois que ce n'est plus Karim qui me rejoint, c'est Hakim. Il est dans le doute, il me double en trottinant et un peu plus haut il s'arrête et marche. Il doit se maudire. La pente est réellement forte, je n'arrive pas à pédaler longtemps, je fractionne. Quand je marche, je regarde plus haut et je vois Hakim qui alterne trot et marche. C'est bien, car malgré sa relative lenteur, personne ne l'a doublé. Dans la deuxième boucle, je ne prendrais plus les temps sur les bornes, parce que cela ne veut plus rien dire à cause des dénivelées positives et négatives et aussi tout simplement parce que je ne serai que rarement avec Karim sur les bornes. Il me faudra prendre de l'avance dans les descentes pour arriver en bas des montées plus tôt et ne me faire doubler qu'au milieu. C'est la théorie, en fait ce sera, à fond, à fond toujours à fond et avec Antoine qui est plus fort que moi malgré son vélo chargé, nous ne serons synchro qu'à Tiergues. Nous avons pris trois gouttes et c'est tout. Le vent est monté en intensité. Nous avons eu des nuages toute la matinée. Après avoir passé sous le viaduc, j'ai mis longtemps avant de rattraper mon cent-bornard. Ce sera sans doute la dernière fois que je lui demanderais  :  “  quelle est ta FC  ?  ” Ce qui me rassure c'est qu'elle est retombée à la valeur du début de la première boucle, je sais que je le saoule à lui demander sa Fréquence Cardiaque, l'année dernière il m'avait envoyer paître après St Georges de Lurançon. Comme il a beaucoup d'expérience maintenant il sait où se situe l'intensité d'effort supportable longtemps. Peut-être qu'une prochaine fois, il pourra mettre la montre en fonction enregistrement et coller un sparadrap pour ne pas pouvoir lire les valeurs de Fréquence Cardiaque. Ca ne lui sert plus à rien, ça ne servira qu'au coach qui analysera après coup les points forts et les points faibles et déterminera une nouvelle stratégie d'entraînement et de course. Après réflexion, c'est le coach qui a besoin d'être rassuré, bon, c'est fait. Le coach se dit qu’il est temps de penser à lui, il n'a rien mangé depuis la veille puisqu'au réveil, il n'a ingéré qu'un café noir. Tout le contraire de ce qu'on préconise en diététique.

Le deuxième mouvement de la symphonie qui pourrait être la septième de Beethoven en terme d'émotion va se jouer souvent avec Karim se retrouvant avec Hakim.

Pour ma part, je fonce au ravitaillement à St Georges. Entrant dans la salle, je m'aperçois que les tables sont bien installées avec les petits toasts, les fruits secs, les petits sandwiches au pâté, jambon, crême de Roquefort. Personne avant moi n'a l'air de s'être servi. Une charmante bénévole me demande si je connais ce ravitaillement en me désignant à sa gauche les rangées de verres emplies des différentes boissons, il y a de l'eau plate, différentes eaux pétillantes plus ou moins salées , il y a même de la bière et le fameux soda de couleur noire. Un rapide calcul et je lui dit que c'est la quatrième fois que je passe dans cette salle puisque je suis à ma quatrième présence, puis après hésitation je lui dit qu'en comptant l'aller et le retour, cela fait huit fois que je suis entré dans cette salle. Je me suis trompé car en fait je ne suis qu'à l'aller alors j'ai trop vite multiplié par deux. Il y a des détails dont je me souviens et je ne les raconterai pas car ils sont liés à des problèmes connus de cent-bornards qui à force d'avoir peur de ne pas assez s'hydrater finissent par avoir le ventre en vrac. A la sortie de la salle, j'enfourche mon vélo et je dois m'activer pour rejoindre Antoine et Karim. Dans le faux plat montant avant d'attendre St Rome de Cernon, Karim est redevenu serein, sa foulée est fluide et il reprend des coureurs qui étaient devant à Millau. Il n'y a plus beaucoup de cent-bornards devant. Pendant longtemps le coureur est seul ou avec son accompagnateur, on n'entend la musique toute en finesse libérée par les poses de pieds légères. Tous les ans à peu près entre les deux villes, je retrouve le ravitaillement rock and roll. Même si Karim est beaucoup plus jeune que moi, il est plutôt fan de Rock Progressif de la fin des années soiaxante, une de ses références est Atom Heart Mother des Pink Floyd. C'est dingue, quand l'album est sorti il n'était pas né. Cette pensée est débile, puisque quand Mozart vivait moi non plus je n’étais pas né, en fait les artistes sont éternels, les entraîneurs sont éphémères, les athlètes en changent souvent.
Dans la montée vers Tiergues au coeur de la forêt, il y a de belles courbes et très vite Karim va être seul et il va sans doute doubler des moins bons grimpeurs que lui. Pour ma part, je m'accroche et me fait doubler par quelques cent-bornards qui ont des mines bien entamées.

Enfin, c'est la fin de mon deuxième calvaire, j'approche du ravitaillement de Tiergues, qu'est-ce que je me sentais seul dans la montée et là il va y avoir du monde, des bénévoles, des officiels, des journalistes. Nous définissons avec Antoine une tactique pour la suite. Il descendra, pas moi et je garderai les sacoches bien chargées avec les bidons de boisson et ça fait un poids conséquent. En restant sur place, je peux discuter avec un officiel qui a fait des pointages. Toujours à faire mes calculs, j'imagine le prochain passage du premier cent-bornard et j'espère que Karim ne sera pas trop loin derrière, je l'imagine en dixième position, je demande si ils ont son pointage en bas à St Affrique. C'est négatif. La voiture chrono est enfin visible après le rond point en dessous du ravitaillement, celui qui mène la course est derrière. Quand je vois que c'est le T-Shirt jaune de Ludo, je suis très content. Quand Ludo est à quelques mètres il me crie mon prénom et me dit avec enthousiasme  : “qu'est-ce que je suis content de te voir là  ”. Je lui réponds moi aussi je suis content, très content. Il doit être content car de voir ma bobine ça doit le sortir de la monotonie de la montée depuis St Affrique et il est content aussi parce qu'il a grimpé l'avant dernière grosse bosse, il ne lui restera qu'un peu moins de vingt cinq kilomètres et une seule énorme difficulté, la montée vers le Viaduc. C'est vrai ça me fait plaisir de voir Ludo pratiquement vainqueur, je l'avais déjà vu gagner le titre national à Theillay. A peine deux minutes après arrive Hervé mais il n'a pas la même tête radieuse, il a l’air très fatigué. Rien n'est joué. Le temps passe vite parce que déjà dans l'entame de la descente plus d'une quinzaine de coureurs sont passés dont Aurélien, l’autre berrichon qui était dans la première boucle, le compagnon de route de Karim. Aurélien est tellement fatigué qu'il dit que ça va être très dur de terminer et il plonge sa tête dans la bassine réservée à l'épongeage. Son accompagnateur me regarde avec l'air de dire qu'il est aussi mal qu'Aurélien mentalement. Je conseille à Aurélien de ménager sa foulée dans la descente, le piège est de s’emballer d’aller vite en descente et ainsi de beaucoup taper, on le paye ensuite dans la remontée très durement. Très peu de temps après arrive à vélo, Manu, il me dit que ça va bien pour Anne-Cécile, elle est largement en tête. Tiens la même année, sur la même course que Ludo, Anne-Cécile a aussi été championne de France de 100km, c’était à Theillay, le parcours était plus plat et elle y a établi son record personnel. Anne-Cécile arrive, je lui envoie un bisou quand elle est à quelques dizaines de mètres. Elle se détourne de la trajectoire optimale et droite et vient me taper dans la main, elle est égale à elle même toujours souriante. Les trois poursuivantes auront au moins une demi-heure de retard. Claude alias Rouffi, un entraîneur que j'ai rencontré sur des championnats et que je sais faire partie de l'encadrement des formateurs à la fédération vient discuter avec moi des athlètes en tête de course, il ne suit personne en particulier mais s'intéresse bien entendu à ceux qui sont ou qui pourraient intégrer l'équipe de France. Comme je vois passer le cinquième au classement, je lui dis que j'attends mon athlète qui est en quelque sorte un débutant, il ne s’est passé qu’une seule année depuis son premier cent-bornes. Il me suffit de me retourner pour voir arriver le sixième et pour m'apercevoir que c'est Hakim. Il ne s’est passé qu’une minute. Donc je me mets à courir à côté de lui pour atteindre mon vélo qui était cinquante mètre plus haut. Le vélo était chargé, il était plus judicieux de le laisser plus haut dans la montée. Il y a du monde, les bénévoles s'y mettent aussi pour applaudir et encourager, on entend  :  “  bravo champion  ”  et même “  vive le Berry ”. Hakim demande quand sera la descente, il en a marre et s’impatiente. De fait il y a une succession de faux-plats avant d'arriver dans la vraie descente, celle qui comporte deux virages en épingle. Karim sans accélérer a doublé le coureur qui était devant et moins rapide en montée. Karim est alors bien et conseille à ceux qui montent de prendre l'extérieur des virages. Les coureurs ne comprennent pas pourquoi il faut aller à l'extérieur car cela fait plus de distance, Karim leur explique que la pente est moins forte, lui-même dans la descente prend les extérieurs pour ménager ses cuisses. Rouffi nous rattrape à vélo et me signale qu'un autre coureur revient et il est à cent mètres. Poliment, je lui dis que Karim s'en fout, il va faire sa descente à son rythme et ne se préoccupe pas des autres. Tous deux sur nos vélos, nous freinons et examinons la foulée. Claude me dit  : “  ton gars descend bien  ”. A vrai dire, je n'y suis pour rien, je n'ai pas pu en plusieurs années encadrer Karim au stade que très rarement et il s'est débrouillé pour faire ses gammes et ses exercices de descente. Bon quand même, mon ego est flatté quand on dit du bien d'un de mes athlètes. Karim s'est construit par lui-même, il est très doué et il m'a rencontré sur un stade à Paris et nous avons progressé ensemble. Cela fait maintenant sept ans que nous nous connaissons. Il avait couru son premier marathon en se bricolant un plan tout seul, un an après avec mon aide, il avait explosé tous ses chronos sur toutes les distances. Résident à Paris, sur les cinq années qui ont suivi, il a battu son record personnel sur chaque marathon et il a fait une pause le temps de se réinstaller dans le Berry avant de reprendre l’entraînement pour opter pour le 100 kms.

Karim est bien, il dit à voix haute  : “  Céline, j'arrive  ”

C'est le troisième mouvement de notre symphonie. A la fin de la descente, effectivement Céline est là et prend des photos de son magnifique champion de mari. Tous ceux qu'on a croisé dans la descente avaient l'air admiratif, certains criaient le classique “  bravo champion  ” Karim avait arrêté de dire merci. Nous venions de passer la marque quatre-vingts, Karim était serein, pourtant des signes de crampes apparaissaient, les signaux pouvaient être qualifiés de faible. Sur le faux plat descendant nous avons pris le vent de face, Karim a dit  : “  c'est pas juste, à l'aller il était dans l'autre sens, il a tourné et il est toujours en face  ”. Ceux qui ne sont pas là pourront toujours dire que les chronos sont moyens, ils n'avaient qu'à être là et constater et lutter contre.

Ce qui est magique à Millau, c'est le retour, il y a en gros un bon millier de coureurs qui te croisent. Les encouragements sont mutuels, il nous reste bientôt un petit quinze kilomètres soit un bon footing pour Karim et pour eux, encore un très très gros marathon. Sur le retour, je ne m'arrêterai à aucun ravitaillement, je me posterai en avance sur Karim et lui donnerai les bidons. C'est dommage pour les bénévoles mais c'est ainsi qu'on évite de trop perdre du temps dans les salles à St Rome et St Georges. Dix kilomètres avant l'arrivée, Karim et moi savons qu'il y a la grosse difficulté, celle qui nous amène au viaduc. Même scénario consenti avec Antoine, je pars en avance, je pédale comme un fou, je constate que je ne verrai jamais les quatre premiers de la course, Karim ne pourra jamais les rattraper. Il n'y a que moi qu'il dépasse dans la montée, je suis de plus en plus à la peine, ce n'est plus le souffle qui me freine ce sont mes jambes qui sont bien fatiguées. Karim a trouvé une tactique efficace, il me dit assez tôt quel bidon il veut, eau plate, gazeuse ou soda noir, je vais lui tendre un peu plus loin, il prend son temps pour boire tout en trottinant et il dépose le bidon plus loin pour que je le récupère. Mes souvenirs sur la montée jusqu'au viaduc sont tellement négatifs que je préfère abréger et précipiter mon récit dans la descente vers Raujolle.
Quand je rejoins Karim, je lui dis qu'il ne reste qu'une demie heure, il a une crampe, il en aura plusieurs qui reviendront de plus en plus souvent. Antoine et moi lui disons qu'il ne faut pas s'arrêter, il faut marcher puis il faut trottiner puis quand ça va mieux il faut courir. “  aïe, je vous jure je ne le fais pas exprès.  ” On pourrait rire du fait qu'il s'excuse bêtement, on se retient, dans ma tête  : “  nom de Dieu il a déjà couru presque quatre vingt quinze kilomètres, ça vaut le respect  !  ”. Avant d'arriver au ravitaillement à Creissels nous convenons que cela ne sert à rien de faire un écart et de nous arrêter, le poste est un peu en retrait de la route. Quand nous passons à côté, les bénévoles applaudissent et nous disons “  merci les bénévoles et excusez nous de ne pas nous arrêter  ”. Quand Karim a de nouveau une méchante crampe il s'arrête, je n'aime pas dire des mots désagréables alors tout ce que je trouve à dire  : “  Karim, je n'ai rien bu depuis longtemps, c'est l'heure de l'apéro, j'en ai marre d'attendre plus en traînera plus ça va durer et je veux boire un coup donc on y va, on marche, on trotte, on court et dans moins d'un quart d'heure on y est, il y a le gars pas loin, le sixième qui va te passer  ”. Karim ne ressemble plus à Hakim, il déclare  : “  s'il me dépasse c'est qu'il l'a mérité sa place  !”. En fait, Hakim s'est réveillé et nous courons à une très belle allure. Nous tapons dans la main de Tonio, un copain du forum ADDM qui entame la deuxième boucle. Comme il m'a rendu service, je lui promet une bière. Nous approchons du pont et là avec Antoine nous assurons la sécurité de notre coureur, moi devant à faire des signes pour que les voitures arrivant en face ralentissent et nous laissent un couloir d'au moins un mètre et Antoine se met sur le côté comme protection. Nous anticipons les ronds-points et les carrefours en demandant de loin aux commissaires de course quelle est la bonne trajectoire, s'il faut passer devant, à droite ou à gauche des voitures neutralisées. Place du Mandarous, le public est debout ou bien assis aux terrasses des brasseries, les applaudissements sont des cadeaux que personne ne peut refuser. Nous vivons un moment grandiose, la marque 99 est bien apparente, elle est en blanc, je la connais par coeur et c'est l'euphorie. Pas besoin de chronomètre pour voir que Karim va très vite, il n'avait jamais eu l'intention de se faire doubler. Encore un rond point, le passage à niveau, le dernier rond-point, le portail du parc de la victoire est grand ouvert. Les vélos s'effacent et passent sur le côté gauche, Hakim sprinte, Céline est là en haut de l'allée des platanes, Karim stoppe, il a encore une méchante crampe, tous ceux qui sont là crient avec Antoine et moi  : “  encore quelques mètres, allez  , allez”

Bon, c'est fini, je suis heureux, c'est tout.

Non ce n’est pas tout, c’était le dernier mouvement d’une symphonie que ne me laisse pas indemne, je ne dirai pas que quelque chose est mort (moi en tant que coureur) et que j’ai assisté à une naissance. Si, il y a eu naissance, cette symphonie devrait s’appeler Maïeutique, c’est dans la douleur qu’est né un excellent cent-bornard, on ne peut plus le considérer comme un bizut. Je ne sais pas qui était la sage-femme, c’est peut-être cette course mythique, son parcours, son public ses supporters qui font qu’on en est sur un nuage quand on la termine, qu’on soit premier ou dernier, que ce soit la première fois ou qu’elle soit devenue un pèlerinage.

La symphonie Maïeutique et son dernier mouvement étaient cahotiques, je l’ai aimée et j’attends d’autres interprétations.

Cette année Ludovic, en passant la ligne en vainqueur arborait un magnifique sourire et montrait un poing rageur, il tenait enfin cette victoire, Hervé, le deuxième avait en prime les pieds en sang, ses chaussures ont changé de couleur, Anne-Cécile, vainqueure, souriait et pour ceux qui la voient souvent, c’est son habitude, car malgré tous ses titres de championne nationale et mondiale elle a toujours gardé cette simplicité et elle respire la bonne humeur du premier au dernier kilomètre. Anne-cécile première féminine a terminé quinzième au scratch c’est à dire le classement tout confondu, jeunes, vieux, hommes ou femmes. Karim, avec sa cinquième place est arrivé pratiquement entre Anne-Cé et Ludo.

mercredi 1 mai 2013

Karim a couru à Belvès le 27 avril 2013

Mon ami Karim a couru plusieurs années avec le maillot de mon club la JA Melesse,
Il fait partie de ceux que j'ai encouragés à courir les cross l'hiver pour être fort au printemps sur le marathon, course qui nous a permis de nous connaître et qui nous a fait progresser tous les deux, Karim comme remarquable marathonien et moi comme son humble entraîneur.
Nous nous voyions sur Paris quand j'y bossais et Karim venaient aux championnats de cross en Ille et Vilaine et au Bretagne, le TGV a été pour nous deux bien pratique sur le ligne Montparnasse-Rennes.
Le hasard fait que tous les deux sommes de Châteauroux, j'y suis né et n'y suis resté que mes premières années, Karim a trouvé un job dans son Berry natal alors il s'y est réinstallé. La course à pied a été mise entre parenthèse un bon bout de temps et comme Karim n'avait plus les sensations du temps où il courait le marathon en 2h36, il a fallu reprendre le cross pour retrouver de la vitesse et de la gnaque, nous avons convenu que les trop nombreuses heures en voiture pour faire Chateauroux-Rennes étaient néfastes, improductives et le championnat du monde de Bretagne de cross devenait trop cher, Karim a muté dans le club de sa ville, La Berrichonne et il a enfin pu participer aux cross à côté de chez lui.
J'ai eu le plaisir de le préparer et le conseiller aux 100kms de Millau sans pression du chrono, j'ai eu le bonheur d'être là à côté de lui sur le vélo, il a fait une belle 26ème place en 9 heures. A Belvès, je n'étais pas là sur le vélo alors Karim a écrit un papier pour raconter sa course, je crois que ça vaut le coup de lire ce sacré compétiteur, c'est un bon cent-bornard ! Il signe à la ... d'un Z qui veut dire Zyend son nom d'artiste !
 
Belvès 2013.
Je ne sais pas comment aborder le Compte Rendu de cette course. D'habitude, on fait ça dans l'ordre chronologique de la course. On parle du départ, des kilomètres qui défilent avec leurs difficultés respectives. Là, presque 72h après, j'arrive toujours pas à remettre les pièces du puzzle en place.
C'est la première fois que je me souviens d'une course en bribes désordonnées. Mais les sensations sont intactes.

La préparation a débuté tout début novembre avec la saison de cross.   Après Millau je tenais absolument à retrouver vitesse, du pied et une foulée digne de ce nom avant d'aborder la préparation à la mi-février.
Voilà, l'objectif était dans le viseur, restait plus qu'à être patient et sage. 

Première difficulté: arriver à Belvès en voiture sous des trompes d'eau ! Bonjour la météo. Mais bon, les dieux de l'athlétisme étaient avec nous. Mais moi et les divinités...nous dirons simplement que nous avons eu le cul bordés de nouilles.
Malgré tout, à mon habitude, j'ai déserté pasta-party pour rester dans ma petite bulle de savon avec ma Céline et Antoine mon suiveur vélo, le stress de la course au fond de la gorge.
Pour Antoine, ça sera sa première expérience de suiveur, et l'idée de vivre un 100 km de l'intérieur sans courir l'a beaucoup séduit

Vite, très vite je me retrouve sur la ligne de départ, serein. Pas assez expérimenté pour prédire mon chrono, assez pour être presque sûr de faire mieux qu'à Millau.
Dans le sas, j'en profite pour échanger quelques mots avec JP et Alain Pagès qui auront eu l'extrême gentillesse de m'accrocher mon 2ème dossard dans le dos in extremis :)))
PAN ! C'est parti, un tour dans Belvès, un petit coucou à Vincent Gouzerch, et ça y est, on y est. J'y suis...je glisse. 

Je déroule naturellement, en situation de confort. On descend une vilaine pente qu'il faudra remonter, mais ça c'est une autre histoire. 
Mon prochain objectif c'est d'intercepter mon suiveur au point de jonction. Ca fuse de tous les côtés, les Européens, les anonymes, des open, ceux et celles que je reverrai très certainement plus tard 
Et les autres qui resteront définitivement devant moi 

Je retrouve Antoine mon suiveur, et l'aventure commence vraiment.
J'ai envie de raconter plein de trucs, mais je ne sais pas par où commencer. J'étais bien, je regardais le paysage, les champs et les terres en culture. Un château par-ci par-là, quelques coups d'œil au chrono et au cardio.

Alors que les kms défilaient je pensais à la texture de la terre de la région qui me semblait fine et d'une belle couleur différente de ma région où elle est plutôt lourde et laborieuse à travailler. Bon on s'occupe l'esprit comme on peut. Moi j'aime bien.

J'ai un peu mal aux lombaires...je m'en veux car avec le soleil des jours précédents, pas pu m'empêcher de bosser dans le jardin, rentrer du fumier, bêcher, moto-biner, biner, sarcler...Tout ça se paye 
Mais ça n'est pas très douloureux et au fur et à mesure de la course ça s'est estompé.

Clac, 20 bornes sont déjà passées. Antoine me passe les ravitos que je lui indique dans la zone dédiée. Lui aussi appréhende un peu son rôle de nounou et guette le moindre changement d'allure, d'humeur, de foulée.  Je l'ai prévenu l'avant veille, y aura des moments où je serai dans le creux de la vague. 

Tout ça est passé vite jusqu'au 50ème. J'ai été étonné par-contre de croiser très tôt (aux alentours du 40/45ème) des coureurs européens, certains marchaient déjà. J'ai aussi compris que le parcours était délicat et compliqué à gérer.
Les raidillons après le 35ème je crois, mine de rien, commencent doucement leur travail de sape pour laisser place à des descentes compliquées avant de prochaines bosses tout aussi casse-pattes.
Passage au marathon en un peu plus de 3h10...cela me ramène 8 ans en arrière où je m'étais entraîné dur pour faire mon premier marathon en 3h15 

On arrive au 50ème, grosse ambiance, je suis toujours bien alors qu'au même km à Millau en 2012, j'étais déjà dans un creux de vague 

La seconde partie, quand on regarde le profil, on se dit qu'elle est globalement plus roulante que la 1ère. Ben en fait, Non. La fatigue faisant j'ai trouvé cette seconde partie vraiment compliquée.
A partir du 55ème, j'ai commencé à glisser doucement dans le creux de la vague sur laquelle je surfais. Point de fatigue, point de problèmes  gastriques ou autre, non, juste un mal de cuisse terrible. Quelle frustration 

Première erreur, je comprends que j'ai largement sous-estimé la difficulté du parcours et si j'avais su, j'aurai intégré des sorties en terrain beaucoup plus vallonné. Bon ben voilà, faut apprendre !
L'allure baisse très légèrement. Les souvenirs sont flous. Je me souviens juste d'une longue traversée dans le dur du 60ème au 78ème. Ponctuée de colères, de coup de gueule sur moi même et de menaces de grève !

Outre la souffrance physique, des petits détails me montent au crâne, le moindre cliquetis sur le vélo du suiveur me vrille les tympans, bref tout m'énerve. Mais je m'efforce de prendre sur moi et de ne pas japper après mon suiveur, là aussi j'ai retenu mes leçons, pas vrai  Charlie ? 

Et puis Paf, j'ai compris. Ca y est, une leçon de plus apprise. Je ne peux pas mener un 100km comme un marathon dont la durée de course fait qu'on peut se permettre de se mettre dans le rouge écarlate pour tenir l'allure. Je me rends à l'évidence.

Maintenant, faut terminer la course en positivant. Je positive, je dis à Antoine qu'à partir de maintenant, au km 80, plus d'arrêt, on termine en courant, on rentre ensemble doucement tranquille, pas yallah yallah, juste doucement tranquille. Bon on est quand même entre 4'50 et 5'10 au km. Ca avance quoi.

Antoine est rassuré, j'ai bien senti que ces derniers km il ne savait pas trop comment m'aider. Je l'avais prévenu l'avant veille: "...dans les moments difficiles, reste en retrait et laisse moi gérer...et surtout ne me propose jamais de lever le pied !.."
J'ai discuté de cela avec lui après, et je comprends que c'est difficile pour le suiveur de laisser, impuissant, le coureur baigner dans son jus.

Clac, la locomotive est repartie. Et vous me croirez peut-être pas, mais je ne me suis réellement pas arrêté (à une exception près autour du 99ème km... )
Il s'est mis à pleuvoir, et j'ai retourné ma casquette en mode cross. C'est de bon augure.

La suite, c'est que du bonheur, une sensation de douce euphorie mêlée à de la souffrance amère. Faut serrer quand même les dents, mais bon on était sur le chemin du retour. Puis très vite Fontgauffier et la montée pas si terrible que ça comparée aux difficultés du parcours...

500m avant l'arrivée, je me souviens d'une petite vieille à sa fenêtre qui m'encourage. Je lui dis que j'en ai raz le cul et que j'ai envie de m'arrêter pour boire une bière. 
Elle ne l'entendait pas de cette oreille: Ah non ! Pas maintenant, tu continues, dernier virage et après c'est la ligne d'arrivée.
Bon. Je fais partie de ces gens qui écoutent (encore), les anciens (je sais c'est devenu ringard comme concept) et qui s'exécutent sans trop discuter quand ça chauffe. 

Bon ça a l'air simple comme ça, mais j'étais mal en point, je passe la ligne d'arrivée au bord de la syncope, direction la tente de masseurs.

Au delà de la douleur physique, parce que j'ai quand même mal partout, je suis réellement content et ému d'avoir passé la barre des 8h. Je l'envisageais, mais compte tenu du parcours j'avais émis des réserves légitimes.
Je suis aussi satisfait de ne pas avoir commis les mêmes erreurs qu'à Millau et content d'avoir encore appris sur cette distance. J'aborderai mon prochain 100 km avec beaucoup plus de confiance je pense.

Le prochain ça sera sur du plat, qu'on se le dise. Je m'attaquerai peut-être au record de l'Indre :)

Je salue également mes copains du club de La Berrichonne Athlétisme qui ont fini respectivement en 9h25 et 9h29 nous permettant de finir en Bronze, 3ème par Equipe.

Et naturellement, je pense fortement à tous les coureurs qui ont aussi eu la chance de courir et de passer la ligne d'arrivée.

Z.

lundi 22 avril 2013

Dans mon car il y avait

Mon car est parti de Rennes un vendredi après midi, j'étais au travail sur Paris alors nous nous sommes donné rendez vous à Lille, nous y avons diné et nous avons embarqué pour Rotterdam.
A un moment donné, les inscriptions sur les panneaux n'étaient plus compréhensible par nous autres, simples francophones. Nous avons longé des villes qui méritent des détours comme par exemple Bruges, ce sera une autre fois,  nous sommes arrivés à notre auberge tard dans la nuit ou bien trop tôt le matin, dans le foyer, il y avait du monde et la pompe était encore en action, il fallait même changer un fût.
Après une nuit où ceux qui n'avaient pas de boule Quiès ont été gênés, nous avons déjeûné et dirigés vers le village marathon. Nous avons traîné un peu aux divers stands du salon exposition où nous avons récupéré nos dossards et posé pour une photo de groupe.

L'après midi, certains ont fait la sieste et à leur réveil, les camarades de chambrée avaient été très discrets, très silencieux et étaient partis, qui pour une promenade en bateau sur la Meuse, qui pour une escapade dans un parc, dans les rues et le long des quais. 

Chacun s'est choisi un restaurant de pâtes ou bien des habitués des courses se sont préparé eux même leur pasta-party avec la cuisson bien maîtrisée Al Dente.

Le marathon n'a été une formalité pour personne même s'il y a eu différentes réactions à la montée subite de température. Nous nous étions tous entraînés plusieurs semaines en hiver, le printemps n'avait pas voulu pointé le bout de son nez avant … le matin même de la course.

Nous étions plusieurs dizaines à courir le marathon et une dizaine sur le 10km.
De toute la troupe de marathoniens, je suis arrivé le premier à l'auberge et j'ai eu le plaisir a être le premier servi en boisson pétillante de récupération et directement au format "pinte". Les autres étaient étonnés de me voir si tôt, je leur disais que j'ai couru en 2h25 avec précision que mon marathon ne faisait que 26 km et non pas 26 miles ou 42 kms.
Quand tout le monde a pris sa douche, ingurgité des pintes, nous avons rejoint notre car.
Nous avons entamé notre retour vers Rennes, chacun a pris le micro pour raconter sa longue histoire d'une très longue course d'endurance.

Il y avait
le plus jeune du groupe, pas encore 15 ans, qui a couru son premier 10 kms,
Il y avait
le plus agé qui a largement dépassé la soixantaine, les initiés à la course à pied en France parle de V3 et bientôt V4, notre vétéran a couru son premier marathon, qu' importe son temps, c'est une performance qu'il n'oubliera jamais,
Il y avait
un autre jeune vétéran, jeune coureur de quelques années, qui a couru son premier marathon et a doublé des anciens qui ont eu leurs heures de gloire il y a quelques années.

Dans mon car il y avait ainsi deux néo-marathoniens.

En plus de ceux-ci, il y avait des néo-dixbornards, des jeunes venus avec leurs papas qui étaient si fiers, presque aussi fiers que l'entraîneure de ces jeunes. Il y avait une nouvelle qui s'est essayée à courir comme son copain.

Dans mon car,
il y avait
des visages béats,
des visages de marathoniens qui se croyaient quelques temps déçus par leur performance.

Il y avait des garçons qui ont été plusieurs fois champions de France par équipe.

Il y avait des vétérans qui ne vont plus aussi vite qu'avant,
qu'importe la vitesse indiquée par un GPS, ou calculée en divisant son chrono final par 42,195.

Certains allaient vite, idont un avec un chrono à Rotterdam en 2h21 et maintenant, s'ils regardent la montre sont déçus, pas tous.

Il y avait un gars qui était dans le car à l'aller, il a couru en 2h35'52 son nouveau record personnel, donc très content, derrière lui, il y avait notre copain qui a fait 6 minutes de plus que son record personnel à Paris, autre lieu, autre temps. 
Il y avait à la fin du peloton, une fille qui avait couru en 3h46 et là en 4h07 heureuse, une autre en 3h08 et là en 3h17, déçue, des arc-boutés juste au dessus des 3 heures et là au delà des 4h15 satisfait d'avoir accompagné; 
à la finale, on ne sait jamais quelle est sa plus belle course car on se dit que la prochaine peut être encore plus belle. Il y avait des chercheurs de chrono et il y avait ceux qui sont heureux de courir tout simplement parce qu'ils ne peuvent plus performer.

Il y avait dans mon car,
des visages heureux parce que si eux-mêmes n'avaient pas ressenti la merveilleuse sensation d'être au dessus du bitûme, d'avoir un pied qui touche à peine le sol, de trouver des moments de plénitude où le temps n'existe plus, les adversaires ne sont plus que des partenaires pour accomplir sa plus belle course en se surpassant, ces visages heureux étaient magnifiques parce qu'ils partageaient le bonheur des autres.

Dans mon car, il y avait,
une, deux ou trois personnes qui avaient eu des coups durs ces derniers temps, soit l'expérience d'une perte d'emploi, soit celle de la perte d'un parent, d'un ami, d'un mari, d'un amant et le passé n'était pas assez loin pour atténuer les peines, les soucis matériels, la souffrance des moments de manque, mais dans le car il y avait suffisamment de simplicité pour savourer notre bonheur, que le temps s'était suspendu.

Dans mon car il y avait,
des marathoniens qui s'en voulaient de ne pas avoir réalisé le chrono préparé avec leur coach et alors, … leurs coaches eux-mêmes avaient été en deça de ce que promettaient leurs propres préparations.

Dans mon car, le coaches s'en fichaient des chronos.
Dans mon car il y avait tellement de bonheur.

C'était le temps d'un week-end, le car a déposé tout ce petit monde le lundi matin avant l'aube.
Nous avons pour certains repris le travail quelques heures après.

Je me souviens de ce temps suspendu, comme j'aimerais me retrouver dans mon car de Rotterdam !

ah oui ! j'avais oublié ...
Dans mon car, il y avait des buveurs de bière des buveurs d'eau, des omnivores, des adeptes de régimes bizarres, des ouvriers, des manuels, des intellectuels, des chefs d'entreprise, des chefs, des sous-fifres, des agnostiques, des athées, des croyants, des sensibles du côté du coeur, des attachés du côté du foie et je suis sûr que chacun a envie de retourner dans mon car.
 

mercredi 17 avril 2013

Stratosphère, julien mon fils cet autre moi, rêve de marathon

Dans la stratosphère,
le poète dit qu'il n'a plus les pieds sur terre, qu'il s'éloigne car il est léger il est aérien il vole au dessus de tout il a une vision magnifique, il est dans les nuages; le jeune qui veut comprendre et appréhender la "vraie" vie, celle qui est faite d'eau des rivières et des océans, de terre avec ses minéraux, le feu des volcans, l'air du vent, et qui veut classer, mesurer, peut dire que c'est haut c'est entre 8,5 et 20 kms d'altitude.

Moi je suis tantôt un scientifique et tantôt un amoureux de l'art alors j'aime parler de nuages, de rêve, de survol de lieux tellement beaux qu'ils doivent être imaginaires.

Sur terre, nous sommes le 17 avril 2013, mon fils Julien est né il y a juste 25 ans, il aurait pu être mathématicien plutôt tourné vers la géométrie puisque tout petit, il "voyait", l'arithmétique, les additions et les multiplications n'étaient que  des symboles et il "voyait le résultat dans ses yeux", par exemple, à peine connaissait-il les chiffres qu'il avait dans ses yeux des dés à jouer et il voyait trois dés avec sur la face 3 points et savait que cela faisait 9.

Mon fils julien a ce prénom car Babeth sa maman l'avait en quelque sorte choisi dès son enfance, elle avait un "baigneur" qu'elle avait prénommé ainsi; de mon côté quand j'ai été convaincu à la lecture du monde selon Garp de john Irving qu'un jour je devrais écrire, j'ai commencé un roman dont le personnage essentiel vivait dans son appartement envahi par des livres et lui aussi s'appelait Julien.
Julien, c'est moi il y a longtemps, être sensible, chercheur, exigeant, plein de contradictions et voulant changer le monde.

Aujourd'hui mon fils, sans le savoir m'a fait lire beaucoup d'auteurs et m'a indirectement offert de nombreux moments de plaisir à découvrir des textes précieux issus de l'antiquité et aussi des plus récents, des penseurs du siècle des lumières et des contemporains.

Le temps est tellement élastique, Julien a un quart de siècle, moi j'en ai plus du double mais j'ai la possibilité de voyager dans le temps. Il y a des livres fantastiques qui nous replongent dans l'histoire et nous montre qu'aujourd'hui nous devons nous nourrir de gens formidables qui ont agi il y a longtemps et qui ont laissé leur trace parce que nous pouvons vivre avec des valeurs éternelles et pourtant fragiles.

Le dernier roman qui m'a fait pleurer de bonheur est le troisième volet de la trilogie d'Eytan de David S. Khara, il y a le projet Bleiberg, le projet Shiro et le dernier le projet Morgenstern. C'est tout simplement, une mise en place des personnages   (bleiberg, pourtant captivant), puis ceux-ci sont en action (shiro) et enfin, sans commune mesure avec les deux premières histoires, une montée surprenante vers un pur plaisir de retrouver des valeurs de l'humain, de la famille (un père adoptif, un fils adoptif, et d'autres oncles ou neveux ou fils adoptifs ou père adoptifs, pour comprendre lisez le projet Morgentern et les deux autres livres (hi hi hi)).

Si stratosphère a été le mot que m'a inspiré mon dernier week-end de course à pied, je ferais une parenthèse pour aider à comprendre comment je suis arrivé dans les nuages, le film de Christopher Nolan est aussi une de mes inspirations, quand David S. Khara déclare qu'il écrit des livres à l'image des livres qu'il aime ou aurait aimé lire, je dis que le scénario d'Inception, j'aurais aimé l'écrire, c'est ce que je pensais à sa sortie en salle et encore quand il a été diffusé à la télévision.

Ceux qui ont vu le film me comprendront et pour ceux qui sont obligé de le voir après avoir lu ce papier, voici le principe: Grâce à un produit chimique plusieurs personnes partagent un même rêve, la réalité c'est qu'il y a des rêves imbriqués, nous rêvons et dans notre rêve nous sommes dans un autre rêve, le temps est exponentiel, par exemple dans un rêve imbriqué il se passe plusieurs heures alors que dans le rêve au niveau inférieur, il ne s'est passé que quelques minutes, pour illustrer cela, une fois à moto, je me suis endormi à l'entrée d'un virage au moment où je penchais, à la sortie je me suis réveillé et dans mon rêve il s'était passé toute une histoire abracadabrante; une autre fois je rêvais que je fumais et j'étais furieux car ce n'est pas bon pour la santé et pas bon pour la course à pied que je pratique, dans un soulagement qui se concrétisait dans ma poitrine un poil douloureuse, je me réveillais et me disais que c'était un cauchemar et que j'étais heureux au réveil de constater que je ne fumais pas, il faisait beau, il y avait une belle lumière plutôt bleue dans la cuisine, le plus drôle c'est que je commençais ma journée et j'étais très bien dans ma peau jusqu'à ce que tout s'arrête puisque je me réveillais dans ma vraie chambre et que j'étais dans le noir car babeth est réveillée par la lumière du jour, et je me disais que la cuisine dans laquelle j'étais ne ressemblait en rien à la mienne à Rennes qui est toujours à l'ombre côté nord.

Avec David S. Khara, je voyage dans le temps entre la deuxième guerre mondiale et aujourd'hui, avec Christopher Nolan, je voyage dans des rêves imbriqués, avec mon club d'athlétisme j'ai voyagé géographiquement entre Lille, Rotterdam et Rennes. Après une semaine de travail à Paris, vendredi, j'ai pris le TGV et j'ai rejoint mes amis à Villeneuve d'Ascq car le car faisait une pause et ensemble nous sommes allés à Rotterdam et sommes revenus à Rennes Lundi matin.

En ce moment, je dois être dans un premier niveau de rêve, tout est idyllique. Dans mon rêve, il y a Babeth qui tous les jours m'apporte du bonheur, de la complicité, de la sérénité, en toute simplicité, je suis bien. Dans notre rêve commun, nous sommes d'abord tous les deux et puis nous fondons une famille très soudée, il y a nos deux filles et nos deux garçons, Camille l'ainée, dont je suis fier parce qu'elle pense aux autres elle est médecin pour la santé de ceux qui croisent sa route, elle n'est pas chirurgien esthétique ou négociateur pour produit pharmaceutique, elle soigne le corps et sans doute quelquefois elle soigne les bobos de la tête, mon garçon Pierre est l'exemple même de celui qui ne se prend pas la tête, on lui demande quelque chose, souvent cela n'a aucune incidence désagréable ou tout du moins il ne voit rien de négatif alors il dit:"d'accord", il y a Marie qui dès qu'elle le peut, cherche à faire un petit truc qui nous fera plaisir et puis il y a Julien, le philosophe, celui qui aime la sagesse et pourtant il sait, nous savons, qu'il n'est pas sage. Aimer la sagesse n'est pas la garantie qu'on soit sage. Aimer l'art ne veut pas dire que l'on soit artiste. Aimer les livres ne veut pas dire qu'on soit écrivain. Comme David S. Khara, j'aimerai écrire un livre que j'aimerais lire. Il y a du futur et du futur conditionnel. Il y a un présent qui paradoxalement n'est un cadeau que pour peu de personne à tel point que quand je ressens de la joie comme un immense cadeau, je me dis que c'est irréel que c'est un rêve, ne me pincez pas svp.

Dans mon rêve il y a babeth, les enfants et les amis; certains amis sont des coureurs, d'autres des philosophes qui s'ignorent.

Il y a eu un rêve imbriqué, dans ce rêve à Rotterdam, il paraît que ça n'a duré qu'un Week-End, Dans mon sommeil de moto qui n'a duré qu'un seconde, le rêve semblait durer longtemps. Dans inception, il y a un rapport de 20 entre les niveaux, une seconde dans la vie cela donne 160 000 secondes au niveau 4 en gros 2 jours. autrement dit, une année c'est quelques minutes.

A me remémorer Rotterdam, il y a eu tellement de joie que certains croient avoir vécu une éternité.

Pourtant, nous nous sommes déplacés pour un marathon ou un 10km. En athlétisme, la mesure est plus que symbolique, on parle de record en terme de temps couru, de record en terme de distance sautée ou de distance parcourue par un engin, ou de hauteur atteinte avec ou sans perche, dans notre spécialité la course de fond, nous enregistrons, donc "we record in english" un temps pour le marathon, en heures minutes et secondes. Le marathon c'est officiellement 42,195 kms ou 26,224 miles. Pour chacun des marathoniens du club, l'objectif n'est pas le record du monde en 2h03'38 de pascal Makau à Berlin, c'est de faire un marathon de rêve. Le rêve de chacun est différent, nous partageons quand nous faisons ce genre de déplacement de club l'espace, le lieu, le temps mais n'avons pas le même rêve.

Un athlète qui n'a jamais parcouru la distance mythique ne veut que terminer et si possible dans un bon état. 

Un jeune marathonien qui s'est entraîné dur veut performer et sans doute battre son record personnel. Un vieux marathonien se motive pour faire le mieux possible. Un marathonien philosophe, veut enlever pour un temps son côté rationnel, il ne veut pas dissocier l'esprit et le corps, il veut ressentir la course parfaite et sans doute pleurer à l'arrivée comme lors de la première fois.

Un marathonien qui a déjà couru des dizaines et des dizaines de marathons, sait qu'il ne sait pas s'il a déjà couru son plus beau marathon ou s'il peut encore vivre un marathon de rêve, son rêve de marathon.

Nous sommes 3 jours après ce marathon de Rotterdam, il y avait un car rempli de coureurs de mon club, il y avait ceux qui constituent le bureau, c'est à dire ceux qui sont plus souvent à réfléchir, à travailler pour que vive notre association, il y avait ceux qui entraînent les jeunes et les moins jeunes, il y avait des accompagnateurs, la famille de coureurs. Mon pur bonheur est de les avoir tous vus heureux, heureux du travail bien fait que ce soit en organisation comme dans la course elle même.

Tous souriants voire béats, c'est sans doute que nous étions dans la stratosphère ou au moins dans un de mes rêves imbriqués et partagés.

Des après marathons, j'en ai vécus plusieurs dizaines, je n'ai jamais été seul, quelquefois nous étions deux, par exemple avec dédé, le monsieur de la JA Melesse qui a encore le record du club 2h20 à Nantes et quinze jours après 2h21 à Rotterdam, il a le droit d'en être fier et cela ne l'empêche pas d'être un des plus travailleurs et bénévole dès que l'occasion se présente. Quelquefois nous étions une petite poignée comme à Berlin ou les costauds ont fait un tir groupé franki en 2h36, lolo en 2h37 et Karim en 2h38. Une fois, j'ai accompagné Nadine qui arrivée au club faisait 4h13 et avec de la patience et l'entraînement a réussi 3h46 au marathon de Vannes. 
Bon, comme il y en a eu des dizaines je pourrais citer en m'excusant pour les autres les marathons courus avec les enfants dans la joëlette et là le chrono n'avait aucune importance.
Il y a des bonheurs qui n'ont pas besoin de chiffre, de mesures, c'est de l'athlètisme, de la course et ce sont surtout des rêves partagés.

Le marathon fait officiellement 26 miles, pour ma part, je n'ai trottiné que 26 kms, il y a donc erreur sur la distance mais ce que je retiens c'est que toute la préparation m'a permis d'aller à l'entraînement avec moi comme centre d'intérêt, je me suis astreint à des séances semblables à mes athlètes. pour plagier je ne sais qui, qu'importe la destination, vive le chemin. Une préparation peut durer toute une année, ou bien 8 semaines, en tous cas, chaque sortie est un moment de bonheur.

A chaque départ de course je redeviens un débutant, il faut garder un peu de peur de l'inconnu, une part de surprise, il faut sourire ou rire des imprévus et j'aime à constater qu'à Rotterdam, j'ai fait une erreur de débutant, j'aurais dû mettre une casquette pour me protéger du soleil, ce sacré soleil qui a fait tellement défaut pendant tous ces longs mois d'hiver.

Donc je n'ai parcouru que la première boucle à Rotterdam, et j'entendais souvent charlie Hop, qui veut sans doute dire vas y charlie, ou go go charlie go. Mais j'avais la sensation que ma tête était dans une bouilloire.

Cette fois ce n'était pas de la musique tranquille dans ma tête comme Mozart aux 100kms de Chavagne en 2007, mais c'était bien sympathique malgré le fait que je me sentais fiévreux.

Passé au vestiaires, je suis allé aux douches et ce n'était pas comme en 2001 des douches collectives et mixtes, c'était un bloc avec plein de douches individuelles, c'était la solitude du coureur de fond. 
Je me suis empressé de rentrer à l'auberge et j'ai, dès mon arrivée, commandé une première pinte. Au fur et à mesure de l'arrivée des copains étonnés de me voir là avant eux, je disais que j'avais fait 2h25 en précisant que mon marathon n'avait fait que 26kms.
Chacun a raconté rapidement son histoire autour d'un verre. Ca n'a pas été un rêve pour beaucoup le temps de la course puisqu'il y a eu de la chaleur subite et du vent fort par moment.
Le public a été pour beaucoup pour le sourire arboré par les coureurs malgré quelques déceptions.
Nous avons embarqué dans le car en fin d'après midi, une fois réhydratés, douchés et très rapidement, chacun a pris le micro pour raconter et donner ses impressions, comme j'étais à l'avant je voyais les mines réjouies.
L'émotion était grande et continue, j'ai savouré pendant des heures les différentes discussions qui parlaient de ce beau voyage en commun.
Par moment, je repense à Inception, pour descendre d'un niveau, il y a une chute d'ascenseur, une explosion, un véhicule qui tombe dans une rivière, pour ma part, je sais qu'au premier niveau il y a le bonheur avec ma famille, l'anniversaire de julien qui est le moi d'il y a longtemps et il y a mes amis mais dans une fraction de seconde, je pourrais rester au rêve du niveau du dessus parce que c'est incontestablement la stratosphère.
Qu'on se rassure, je ne me drogue pas avec la chimie présente dans Inception, je cours et c'est du bonheur.

vendredi 22 février 2013

heureux

Tout simplement heureux, rien à ajouter à part aller voir courir-avec.fr



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Merci à tous les membres parents et coureurs pour les photos qui sont sur courir-avec.fr !

vendredi 15 février 2013

Aujourd'hui je n'ai pas couru

Vendredi 15 février, c’est le soir et j’ai envie d’écrire, d’écrire pour moi et pour qui voudra passer un moment à voyager avec moi. C’est confus, par moment, j’ai des grandes émotions et écrire me permet de baisser la pression en moi et par moment cela vole dans tous les sens.
Vendredi, fin de semaine, je voulais courir encore, comme tous le jours et aujourd’hui exceptionnellement je me suis mis à méditer au lever et je n’avais plus le temps, il me fallait me préparer, je devais rejoindre des amies pour aller soutenir une amie qui elle aussi courait beaucoup dans un passé récent. Avec ses enfants, sa famille et des proches elle a dit adieu à celui qui encore peu, alors qu’il souffrait, lui disait : « tu es belle, je t’aime ». Il est parti. Sans être réellement là, il lui dira encore ses mots d’amour. 

Aujourd’hui je n’ai pas couru et ce soir je n’irai pas. Il y a quelques jours j’écrivais à un de mes athlètes qui démarre un plan marathon, il redoutait une séance ce week end qu’il n’avait pas encore vue en début de plan, je lui écrivais : «  chaque jour, je suis heureux, chaque jour est un cadeau, chaque jour je cours sans me projeter au lendemain ou au sur lendemain ou plus tard . Si après la séance du jour je suis trop fatigué alors je me reposerais, je ne redoute pas les séances à venir». 

Oui, chaque jour est un cadeau et les raisons petites ou grandes d’être heureux sont multiples, variées, de tous ordres. 

Le WE dernier j’ai vécu des moments indescriptibles de bonheur, il y avait la rudesse du trail dans la boue et la difficulté d’avancer avec la joëlette dans les montées, les descentes les passages au-dessus et en dessous des troncs d’arbres couchés ou cassés. Pendant l’effort, seule la coordination, la motivation la solidarité des coureurs de l’association permettait d’avancer. Seul pendant le Noz Trail c’est à dire la course de nuit, un esprit faible dans un corps moyen aurait complètement craqué et sombré dans le découragement, les glissades, les chûtes étaient nombreuses. En équipe avec comme force mentale l’enfant dans la joëlette, et là c’était noëmie, nous étions très lents, certes, mais nous avancions sans nous poser de questions. Quand je "traile" seul je gamberge, quand je suis autour de la joëlette je n'ai plus aucun état d'âme. 

Le lendemain, malgré des jambes lourdes et des bras bien fatigués car peu entraînés à travailler en force longtemps, nous n’avons pas rechigné à nous remettre sur les sentiers, c’était beaucoup moins difficile et nous voyions sur quoi nous patinions. Cela a duré le double de temps, c’est sûr qu’après plusieurs heures de course et de portage les organismes étaient marqués et les relais se faisaient de plus en plus rares. Comme cela fait plusieurs années maintenant que l’équipage dont je faisais partie a roulé poussé tiré dans le sable, la boue, les escaliers du côté de Plourhan, Binic, St Quay Portrieux, nous étions quelques vieux et fiers de l’être à temporiser en début de course pour assurer sur la fin quand beaucoup de coureurs sont usés. Parmi les vieux de "courir avec" il y a le jeune Simon qui, à n’en point douter est très endurant et est capable de « rouler » vite des heures, sur la fin, il avançait bien en tirant la joëlette.
Manu, notre force mentale ce dimanche est une locale, Jean-michel et Isabelle son papa et sa maman nous ont concocté ce rassemblement, enfants parents et coureurs. Isabelle qui était interrogée lors du repas d’après course, alors que tous nous étions heureux, béats d’être ensemble après l’effort, a dit tout simplement:" nous sommes une famille." J’étais à côté et je me disais: "oui je suis heureux de faire partie de cette famille", nous sommes heureux de nous retrouver. Manu, Noëmie, Maryline, Louis et d’autres ont l’espace d’un WE plus de tontons et tatas. Quand je retrouve cette famille j’ai la larme à l’œil, tant pis si on me dit que j’ai la larme facile, mais c’est le plein d’émotion qui fait cela. Dans cette famille qui s’appelle "Courir avec", je m’aperçois que c’est la sérénité qui règne surtout après les courses quand les papas et les mamans voient leurs enfants heureux d’avoir « couru », ces mêmes parents savent maintenant contrairement à la première fois que c’est nous les coureurs qui remercions les enfants pour le bonheur qu’ils nous ont donné alors maintenant nous savourons ensemble ce que Comte Sponville appelle la communion, c'est un partage, c'est une union. Tout le monde a besoin de donner et recevoir l’amour. Quand c’est avec nos frères et sœurs c’est la fratrie une partie de la famille et pourtant il peut y avoir rivalité et jalousie entre frères et sœurs. Dans notre famille « courir avec » quand j’ai couru samedi et dimanche j’étais très très fatigué et je n’enviais personne et je me sentais dans une famille sereine avec chacun et tous sur la même longueur d’onde, l’envie d’être simplement heureux ensemble.
Toute la semaine a été pour moi sur un nuage, dès lundi soir, je suis allé au judo et j’ai pratiqué sereinement, en souplesse avec l’envie de me mettre au service de la salle, j’ai, je crois, aidé des ceintures blanches et de couleur à saisir des mouvements au sol comme debout en randori (petits combats d’entraînement), c'éatit un peu de redistribution du plein d'énergie mentale que j'avais emmagasiné. Mardi j’ai fait une séance au stade bien tranquille avec mes amis du club et les jours suivants j’ai bien savouré les footings à allures variées.
Jeudi, journée de bi-quotidien, midi gayeulles et soir avec les filles en préparation de la Rennaise, c’était la saint valentin, ma valentine sait comme je l’aime, ce jour là et tous les autres aussi et nous sommes heureux. Il ne faut pas oublier de dire à ses enfants comme on les aime. On peut aussi dire à ceux qui nous sont chers cette très belle expression : « merci d’exister » ça ne surprend personne et ça veut dire qu'on les aime.

Aujourd’hui, je n’ai pas couru, depuis que je sais que notre ami est décédé, j’ai dans la tête et parfois je fredonne l’air du mouvement Allegretto de la 7ème symphonie de Beethoven. Toute cette journée, depuis mon réveil jusqu’à ce soir, cet air est là et me bouleverse. C’est sans doute parce que cela me colle aussi bien quand je cours que quand je médite parce que la mort est venue emporter quelqu’un. 

Ce soir, je voudrais que lors de mes funérailles, on ne me voit pas allongé dans la boîte, je voudrais le temps de la cérémonie d’adieu que la boîte soit fermée et qu’on mette des photos de moi en train de courir, de sourire, en judogi, à écouter de la musique, JS Bach un morceau de piano interprété par Glen Gould, Mozart le concerto n°23 ou le requiem, Beethoven. 

J’aime la vie, j’aime bouger, j’aime manger, boire courir, je n’ai pas couru ça m’a manqué mais j’avais envie de soutenir mon amie qui a vu son amour s'en aller.

mercredi 30 janvier 2013

cadeaux d'anniversaire

Cela commence à faire quelques années en vétéran 2 que je cours, pour les non-initiés, vétéran 2 c'est moins de 60 ans mais plus de 50 quand même.
Au championnat départemental, à l'échauffement, Armand Tandé me disait que des coureurs de notre course pourraient être ses enfants, c'était son 26ème championnat en vétéran. Comme me disent mes amis coureurs, les vrais de vrais continuent à courir tant qu'ils le peuvent.
Lundi, c'était mon anniversaire, Que de cadeaux reçus !
Le soir, sur le tatami, ça a été le festival de chûtes, j'ai eu le bonheur de combattre comme quand je me préparais pour engranger des points pour obtenir mon 1er Dan, je ne suis pas si vieux que ça. Précision: les chutes c'est bien moi qui les ai encaissées. Arrivé à la maison, comme actuellement je revisite souvent les oeuvres de Mozart, babeth m'a offert 2 CD, des concertos pour violon interprétés par Yéhudi Menuhin. Oui, j'aime Mozart, ses concertos pour piano et orchestre, son Réquiem. Trois DVD clin d'oeil m'ont été offerts par Babeth et Marie, "the Lady" de Luc Besson qui est un beau film sur l'icône des asiatiques Aung San Su Kyi, "le Prénom" avec un certain Patrick Bruel qui est à peine plus jeune que moi de quelques mois et "My name is Khan" un film de Bollywood que nous avions commencé à visionner au Vietnam en 2010 sans jamais avoir vu la fin.


Dimanche, ça a été un grand coup de folie, j'ai pris le dossard de Lolo qui n'était pas en forme après une grippe, comme il était qualifié équipe, n'importe quel vétéran licencié du club pouvait le remplacer. Comme il n'y avait pas de volontaire alors j'ai pris le dossard, je l'ai épinglé sur mon maillot, j'ai fait mon footing de reconnaissance du parcours, j'ai posé pour la photo et pris le départ. 
dans les premières boucles je m'accrochais à un autre crossman
C'est de la folie, les premiers sont sans doute à plus de 20 km/h. Derrière même avec l'envie de faire un départ prudent, nous sommes aspirés, normal, nous ne sommes pas venus pour faire un footing. Le soir quand je regarde la courbe enregistrée par ma montre, je constate que très rapidement je suis très haut en pulses et je dois être sur la zone départ en pente descendante à 16 km/h, ensuite je vais me retrouver entre 14 et 13 km/h. Quand vous regardez les copains vous voyez que personne n'est facile.
Jean-René Vallerie

Franck Poirier


Jean-Daniel Lemercier et Alain Martin

Momo, Michel Le Mercier coureur et entraîneur

Pour les vétérans il y avait une petite boucle, une moyenne boucle et 3 grandes boucles. Dans la grande boucle, sur la fin, avant de passer devant le château, il y avait une sacrée montée, là j'étais seul au monde, plus personne en vue devant et plus personne derrière car à chaque fois que j'ai doublé c'est que le coureur abandonnait. Incroyable, à peine au bout de 20 minutes de course j'avais envie de marcher dans la montée alors j'ai tout donné pour être dans mon championnat du monde de Bretagne et j'ai couru à fond, sur la courbe ça a bien montré que j'ai grimpé à 178 pulses par minute mais seulement à 10km/h. 

Après la grimpette, je me suis retrouvé à côté des tentes, j'étais au bout du rouleau et j'ai mis le clignotant. Je sais que mon ami Momo n'aime pas me voir abandonner, il me connaît depuis longtemps c'était lui mon accompagnateur sur mon premier 100 bornes où j'étais fort et à mon dernier ou il m'a vu mettre le clignotant au 50ème. 


Il a eu beaucoup de mal sur ce cross et longtemps de retour à la tente, Momo a médité. Vétéran, cela signifie que l'on commence la régression. Depuis pas mal d'années, je me dis que j'ai régressé en tant que coureur mais je ne cesse de chercher et progresser en tant qu'entraîneur.

André Sicot autre V2
Thierry Collen coureur et entraîneur

Olivier Le Moigne
Bruno Rageau coureur et entraîneur qui ne sera vétéran que l'année prochaine
Aujourd'hui, mon corps se rappelle le cumul Cross avorté le dimanche et Judo le lendemain.

Puisqu'il y a des moments où l'on fait des bilans, ça me fait plaisir de mettre en avant ce qui a été source de bonheur. Ma maman m'a écrit un courriel qui m'a rappelé comme elle m'aime et m'a souhaité autant de bonheur qu'elle a eu avec Papa. Il y a eu les coups de fil de mes enfants qui n'habitent plus à la maison, la grande est quand même très loin dans le sud, il y a les messages toujours sympathiques des amis et connaissances et il y a eu ce championnat à Plouay où il a fait beau, les courses se sont enchaînées et j'ai adoré cette journée. C'est bizarre de mettre sur le même plan un évènement sportif et les proches, l'humain et le sport sont-ils des valeurs à mettre en relation, devons nous aborder le débat sur l'élitisme, le dépassement de soi, la confrontation, l'humain, le faible le fort?. Ce dimanche m'a rappelé qu'il y a mes amis avec qui nous dirigeons, gérons et organisons  tout ce qui a trait au club. Nous partageons les obligations administratives, c'est le moins amusant mais il faut bien que quelqu'un le fasse, nous le faisons avec abnégation, nous prenons des décisions et il y a toujours quelqu'un qui est là pour nous critiquer gentiment, violemment ou méchamment mais nous  continuons à préparer les petits voyages du club au cross et les grands voyages comme pour aller sur un marathon. Avant cela, nous nous réunissons entre entraîneurs et nous discutons et partageons nos idées pour établir les préparations des athlètes qu'ils soient performants ou non. Un marathon en 4 heures ou en 2h30 se prépare au moins pour ne pas terminer fracassé, un crossman dernier ou sur le podium au Bretagne a fait pas mal de séances depuis décembre pour être au mieux.
Enfin, à l'instar de Comte-Sponville, après avoir redit: "j'ai le bonheur d'avoir l'amour de ma famille merci à maman, à Babeth et mes enfants de me le témoigner", c'est à mes amis entraîneurs très très proches que j'adresse ce: " Momo, Bruno et Thierry depuis plusieurs années et à mes anniversaires votre amitié est un cadeau, Merci d'exister!"

Il me faut remercier Françoise Gréhal qui est venue supporter tout le club à Plouay, certaines photos sont d'elle d'autres de Bruno Rageau.