mercredi 1 mai 2013

Karim a couru à Belvès le 27 avril 2013

Mon ami Karim a couru plusieurs années avec le maillot de mon club la JA Melesse,
Il fait partie de ceux que j'ai encouragés à courir les cross l'hiver pour être fort au printemps sur le marathon, course qui nous a permis de nous connaître et qui nous a fait progresser tous les deux, Karim comme remarquable marathonien et moi comme son humble entraîneur.
Nous nous voyions sur Paris quand j'y bossais et Karim venaient aux championnats de cross en Ille et Vilaine et au Bretagne, le TGV a été pour nous deux bien pratique sur le ligne Montparnasse-Rennes.
Le hasard fait que tous les deux sommes de Châteauroux, j'y suis né et n'y suis resté que mes premières années, Karim a trouvé un job dans son Berry natal alors il s'y est réinstallé. La course à pied a été mise entre parenthèse un bon bout de temps et comme Karim n'avait plus les sensations du temps où il courait le marathon en 2h36, il a fallu reprendre le cross pour retrouver de la vitesse et de la gnaque, nous avons convenu que les trop nombreuses heures en voiture pour faire Chateauroux-Rennes étaient néfastes, improductives et le championnat du monde de Bretagne de cross devenait trop cher, Karim a muté dans le club de sa ville, La Berrichonne et il a enfin pu participer aux cross à côté de chez lui.
J'ai eu le plaisir de le préparer et le conseiller aux 100kms de Millau sans pression du chrono, j'ai eu le bonheur d'être là à côté de lui sur le vélo, il a fait une belle 26ème place en 9 heures. A Belvès, je n'étais pas là sur le vélo alors Karim a écrit un papier pour raconter sa course, je crois que ça vaut le coup de lire ce sacré compétiteur, c'est un bon cent-bornard ! Il signe à la ... d'un Z qui veut dire Zyend son nom d'artiste !
 
Belvès 2013.
Je ne sais pas comment aborder le Compte Rendu de cette course. D'habitude, on fait ça dans l'ordre chronologique de la course. On parle du départ, des kilomètres qui défilent avec leurs difficultés respectives. Là, presque 72h après, j'arrive toujours pas à remettre les pièces du puzzle en place.
C'est la première fois que je me souviens d'une course en bribes désordonnées. Mais les sensations sont intactes.

La préparation a débuté tout début novembre avec la saison de cross.   Après Millau je tenais absolument à retrouver vitesse, du pied et une foulée digne de ce nom avant d'aborder la préparation à la mi-février.
Voilà, l'objectif était dans le viseur, restait plus qu'à être patient et sage. 

Première difficulté: arriver à Belvès en voiture sous des trompes d'eau ! Bonjour la météo. Mais bon, les dieux de l'athlétisme étaient avec nous. Mais moi et les divinités...nous dirons simplement que nous avons eu le cul bordés de nouilles.
Malgré tout, à mon habitude, j'ai déserté pasta-party pour rester dans ma petite bulle de savon avec ma Céline et Antoine mon suiveur vélo, le stress de la course au fond de la gorge.
Pour Antoine, ça sera sa première expérience de suiveur, et l'idée de vivre un 100 km de l'intérieur sans courir l'a beaucoup séduit

Vite, très vite je me retrouve sur la ligne de départ, serein. Pas assez expérimenté pour prédire mon chrono, assez pour être presque sûr de faire mieux qu'à Millau.
Dans le sas, j'en profite pour échanger quelques mots avec JP et Alain Pagès qui auront eu l'extrême gentillesse de m'accrocher mon 2ème dossard dans le dos in extremis :)))
PAN ! C'est parti, un tour dans Belvès, un petit coucou à Vincent Gouzerch, et ça y est, on y est. J'y suis...je glisse. 

Je déroule naturellement, en situation de confort. On descend une vilaine pente qu'il faudra remonter, mais ça c'est une autre histoire. 
Mon prochain objectif c'est d'intercepter mon suiveur au point de jonction. Ca fuse de tous les côtés, les Européens, les anonymes, des open, ceux et celles que je reverrai très certainement plus tard 
Et les autres qui resteront définitivement devant moi 

Je retrouve Antoine mon suiveur, et l'aventure commence vraiment.
J'ai envie de raconter plein de trucs, mais je ne sais pas par où commencer. J'étais bien, je regardais le paysage, les champs et les terres en culture. Un château par-ci par-là, quelques coups d'œil au chrono et au cardio.

Alors que les kms défilaient je pensais à la texture de la terre de la région qui me semblait fine et d'une belle couleur différente de ma région où elle est plutôt lourde et laborieuse à travailler. Bon on s'occupe l'esprit comme on peut. Moi j'aime bien.

J'ai un peu mal aux lombaires...je m'en veux car avec le soleil des jours précédents, pas pu m'empêcher de bosser dans le jardin, rentrer du fumier, bêcher, moto-biner, biner, sarcler...Tout ça se paye 
Mais ça n'est pas très douloureux et au fur et à mesure de la course ça s'est estompé.

Clac, 20 bornes sont déjà passées. Antoine me passe les ravitos que je lui indique dans la zone dédiée. Lui aussi appréhende un peu son rôle de nounou et guette le moindre changement d'allure, d'humeur, de foulée.  Je l'ai prévenu l'avant veille, y aura des moments où je serai dans le creux de la vague. 

Tout ça est passé vite jusqu'au 50ème. J'ai été étonné par-contre de croiser très tôt (aux alentours du 40/45ème) des coureurs européens, certains marchaient déjà. J'ai aussi compris que le parcours était délicat et compliqué à gérer.
Les raidillons après le 35ème je crois, mine de rien, commencent doucement leur travail de sape pour laisser place à des descentes compliquées avant de prochaines bosses tout aussi casse-pattes.
Passage au marathon en un peu plus de 3h10...cela me ramène 8 ans en arrière où je m'étais entraîné dur pour faire mon premier marathon en 3h15 

On arrive au 50ème, grosse ambiance, je suis toujours bien alors qu'au même km à Millau en 2012, j'étais déjà dans un creux de vague 

La seconde partie, quand on regarde le profil, on se dit qu'elle est globalement plus roulante que la 1ère. Ben en fait, Non. La fatigue faisant j'ai trouvé cette seconde partie vraiment compliquée.
A partir du 55ème, j'ai commencé à glisser doucement dans le creux de la vague sur laquelle je surfais. Point de fatigue, point de problèmes  gastriques ou autre, non, juste un mal de cuisse terrible. Quelle frustration 

Première erreur, je comprends que j'ai largement sous-estimé la difficulté du parcours et si j'avais su, j'aurai intégré des sorties en terrain beaucoup plus vallonné. Bon ben voilà, faut apprendre !
L'allure baisse très légèrement. Les souvenirs sont flous. Je me souviens juste d'une longue traversée dans le dur du 60ème au 78ème. Ponctuée de colères, de coup de gueule sur moi même et de menaces de grève !

Outre la souffrance physique, des petits détails me montent au crâne, le moindre cliquetis sur le vélo du suiveur me vrille les tympans, bref tout m'énerve. Mais je m'efforce de prendre sur moi et de ne pas japper après mon suiveur, là aussi j'ai retenu mes leçons, pas vrai  Charlie ? 

Et puis Paf, j'ai compris. Ca y est, une leçon de plus apprise. Je ne peux pas mener un 100km comme un marathon dont la durée de course fait qu'on peut se permettre de se mettre dans le rouge écarlate pour tenir l'allure. Je me rends à l'évidence.

Maintenant, faut terminer la course en positivant. Je positive, je dis à Antoine qu'à partir de maintenant, au km 80, plus d'arrêt, on termine en courant, on rentre ensemble doucement tranquille, pas yallah yallah, juste doucement tranquille. Bon on est quand même entre 4'50 et 5'10 au km. Ca avance quoi.

Antoine est rassuré, j'ai bien senti que ces derniers km il ne savait pas trop comment m'aider. Je l'avais prévenu l'avant veille: "...dans les moments difficiles, reste en retrait et laisse moi gérer...et surtout ne me propose jamais de lever le pied !.."
J'ai discuté de cela avec lui après, et je comprends que c'est difficile pour le suiveur de laisser, impuissant, le coureur baigner dans son jus.

Clac, la locomotive est repartie. Et vous me croirez peut-être pas, mais je ne me suis réellement pas arrêté (à une exception près autour du 99ème km... )
Il s'est mis à pleuvoir, et j'ai retourné ma casquette en mode cross. C'est de bon augure.

La suite, c'est que du bonheur, une sensation de douce euphorie mêlée à de la souffrance amère. Faut serrer quand même les dents, mais bon on était sur le chemin du retour. Puis très vite Fontgauffier et la montée pas si terrible que ça comparée aux difficultés du parcours...

500m avant l'arrivée, je me souviens d'une petite vieille à sa fenêtre qui m'encourage. Je lui dis que j'en ai raz le cul et que j'ai envie de m'arrêter pour boire une bière. 
Elle ne l'entendait pas de cette oreille: Ah non ! Pas maintenant, tu continues, dernier virage et après c'est la ligne d'arrivée.
Bon. Je fais partie de ces gens qui écoutent (encore), les anciens (je sais c'est devenu ringard comme concept) et qui s'exécutent sans trop discuter quand ça chauffe. 

Bon ça a l'air simple comme ça, mais j'étais mal en point, je passe la ligne d'arrivée au bord de la syncope, direction la tente de masseurs.

Au delà de la douleur physique, parce que j'ai quand même mal partout, je suis réellement content et ému d'avoir passé la barre des 8h. Je l'envisageais, mais compte tenu du parcours j'avais émis des réserves légitimes.
Je suis aussi satisfait de ne pas avoir commis les mêmes erreurs qu'à Millau et content d'avoir encore appris sur cette distance. J'aborderai mon prochain 100 km avec beaucoup plus de confiance je pense.

Le prochain ça sera sur du plat, qu'on se le dise. Je m'attaquerai peut-être au record de l'Indre :)

Je salue également mes copains du club de La Berrichonne Athlétisme qui ont fini respectivement en 9h25 et 9h29 nous permettant de finir en Bronze, 3ème par Equipe.

Et naturellement, je pense fortement à tous les coureurs qui ont aussi eu la chance de courir et de passer la ligne d'arrivée.

Z.